La septième fille, Matéo Maximoff

Chez nous, les Roms… Ainsi pourrait commencer cette histoire que nous raconte Matéo Maximoff, tant elle tient à la fois du conte et de la dure réalité du quotidien des Roms Kalderach, pendant la seconde guerre mondiale.

Quelque part, dans un camp d’internement, depuis de longs mois, un homme, Tantchi, se meurt sans que personne ni rien ne puisse remédier à son issue inéluctable. Lors de la veillée funèbre, Tantchi qui a été plongé dans un état cataleptique par la vieille Darhani, celle qui connait les plantes et donne des médicaments, mais aussi celle qui fait peur et dont on craint les pouvoirs, revient à lui. Pour les Roms, il ne peut qu’être un Mulo, un fantôme maléfique. Néanmoins, si l’on agit rapidement, il est possible de mettre un terme à son existence ectoplasmique en lui plantant un couteau dans le cœur, ce que fera Stervo, fils de Tantchi.

De fait, sentant sa mort imminente, la Darhani qui n’a pas de descendance de par sa fonction de sorcière, doit transmettre  – avant de disparaître – sa science et son patrimoine magique et spirituel à un membre de la communauté. Elle jette son dévolu sur Silenka, âgée de quatre ans, qui semble posséder les qualités requises, pour être la septième fille d’une septième fille. Elle entreprend donc de lui inculquer en quelques jours et en agissant sur son subconscient par télépathie et hypnose ce qu’elle-même a mis près d’une centaine d’années à apprendre. Une sorcière n’utilise jamais son pouvoir sans raison. Soit elle répond aux suppliques des uns et des autres, sans se soucier s’ils agissent pour faire le bien ou le mal, chacun étant responsable de ses actes, soit il lui faut accroître ses pouvoirs pour en approcher la perfection par-delà la mort. Il faut donc faire disparaître tous ceux qui, de près ou de loin, sont susceptibles de s’opposer à son entreprise. Et Tantchi l’aurait fait…

S’engage alors un combat entre Voso qui fut autrefois le disciple de la Darhani, qui refuse que l’enfant soit transformé en monstre, et la Darhani dont le savoir surnaturel doit perdurer, par-delà le savoir scientifique, combat qui sera fécond en rebondissements. Voso le conteur est le seul Rom qui sache lire et écrire. C’est aussi le double littéraire fictionnel de l’auteur, dépositaire de la culture orale qu’il transmet dans un souci d’éducation à ceux qui l’écoutent lors des longues veillées sous la tsera (la tente) ou encore, dans ses livres.

Car cette intrigue où le fantastique semble plonger ses racines dans la réalité, sert également de prétexte à Matéo Maximoff à fixer cette oralité de telle sorte qu’elle devienne le témoignage intemporel d’un homme face aux siens et à tous les autres, les Gadjé. De fait, il transcende le cadre du roman pour le transformer en outil quasi ethnographique et historique, voire journalistique, dénoncer les discriminations présentes et passées à l’égard des Tsiganes et parler également du génocide programmé par les Nazis, le Samudaripen, et dont les Tsiganes furent – avant les Juifs – les toutes premières victimes, génocide qui aujourd’hui encore, reste inavoué.

Avec générosité et également prudence, Matéo Maximoff nous enseigne qui est son peuple, les Roms Kalderash. Il en dévoile la structure, la famille, ciment social de la communauté, soumis à l’autorité patriarcale. Il nous explique sa hiérarchie et les règles strictes qui la régissent : par exemple, le respect envers les vieux de la tribu, gardiens de la mémoire, qui s’opposent à la turbulence de la jeunesse désireuse de secouer le joug de la tradition ou encore, la vie de la femme, la Romni, totalement assujettie à la vision masculine, car même si la femme Rom est multiple, de la jeune fille à l’épouse et de l’épouse à la mère, elle doit avant tout obéissance à l’homme, sauf lorsqu’elle est la Darhani, la sorcière.

De Pativ, fête de bienvenue en Pomona qui marque le rythme du deuil, de rites en codes, nous voici un instant assis autour de la mangala (le brasero) à partager la vie du peuple Rom, dont on méconnait en général l’histoire et dont la réalité est souvent niée par nos préjugés, et que l’auteur, Matéo Maximoff, nous rappelle avec la verve d’un griot dans l’avant-propos et dans les digressions qui émaillent la narration de la Septième fille.

Nota : Tous les ouvrages de Matéo Maximoff sont disponibles soit aux éditions Wallâda, soit auprès de la fille de l’auteur, Nouka, que l’on peut contacter facilement sur Facebook

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