La Part du Mort de Yasmina Khadra

de Yasmina Khadra

La part du mort (2004) ferme la trilogie pseudo policière (MorituriDouble Blanc et L’automne des chimères) écrite par Mohammed Moulessehoul, officier de l’Armée de terre algérienne, affecté à une unité d’élite dans la guerre contre le terrorisme fondamentaliste et écrivain, aujourd’hui mondialement connu sous le nom de Yasmina Khadra. C’est sous cette double identité qu’il prêta sa voix et sa rage au commissaire Brahim Llob, un homme ordinaire, droit dans ses bottes, musulman sans être intégriste, partisan de l’ordre et serviteur incorruptible de l’état, macho borderline, rancunier et faisant volontairement omission de quelconque diplomatie.

Dans L’automne des chimères (1998), dernier volet de cette trilogie pseudo-policière, le commissaire Llob, la cinquantaine froissée et désabusée, tirait sa révérence au monde des vivants. La part du mort le ressuscite, toujours pour les mêmes causes, chères à l’écrivain, le naufrage de son pays, l’Algérie : dénoncer encore et toujours la mafia politico-financière, la violence d’Etat, la corruption qui le gangrène à tous les niveaux hiérarchiques, le  fondamentalisme sanglant et l’abrutissement collaborationniste du peuple. Attitudes plurielles et à multifacettes qui ont tissé les évènements, souvent sanglants, qui ont conduit au démantèlement de la nation algérienne, après son indépendance (1962), levant dans leur sillage des personnages dont l’arrivisme et l’obscurantisme n’ont d’égal que le génie destructeur dont ils font preuve pour arriver à leurs fins, qu’elles soient collectives ou individuelles.

D’une enquête à l’autre, Llob s’affronte à un monde interlope, où les petites frappes croisent les chefs mafieux, les faux résistants des assassins en col blanc, les putes ordinaires des courtisanes friquées, les jeunes loups prêts à tout des adolescents dans les starting-blocks du n’importe quoi, bref un univers sombre et désespérant, quand non franchement dégueulasse.

Au début de La part du mort, LLob s’ennuie ferme. Pas un crime à se mettre sous la jaquette. Juste son adjoint et ami, Lino qui claque un fric qu’il n’a pas, afin de séduire une femme à la beauté du diable qui fréquente intimement le monde d’en-haut et est accessoirement la maîtresse d’un ponte douteux, Haj Thobane. Lino sera accusé d’avoir attenté à sa vie, emprisonné et torturé. Llob ne doutera pas un instant de l’innocence de son ami, et partira à la recherche de la vérité à Sidi Ba, un village qui a traversé toutes les horreurs de la guerre d’indépendance, en compagnie d’une intrigante historienne, Soria, sur les traces d’un psychopathe sans identité, que la rumeur populaire dit tueur en série et qui vient d’être libéré par grâce présidentielle.

Comme dans les autres romans, l’intrigue n’est qu’un prétexte à toutes les malversations qui ont dépecé l’Algérie, la laissant dans une stupeur hallucinée. La force de Yasmina Khadra est de nous dévoiler un état de fait dans toute son horreur et absurdité, état de fait plus ou moins latent qui malheureusement est commun à tous les pays du monde et l’on ne peut que s’incliner devant une telle entreprise, d’autant plus qu’elle n’était sans doute pas exempte de risques pour sa famille et  pour lui-même.

Néanmoins, si ces romans ont hissé leur auteur à la renommée internationale dans le  monde du polar, les louanges qui les ont portées  quant à son style étaient-elles aussi justifiées ? Là où beaucoup s’extasient sur la verdeur de langage, le foisonnement poétique, la métaphore surprenante, voire géniale, ou la tournure acérée d’une supposée plume féminine, je n’ai vu qu’une tentative confuse et pathétique pour atteindre une excellence imaginée de la langue française, des redondances d’une lourdeur consternante ainsi qu’un excès de vulgarité qui s’apparentent plus au paraître qu’à l’être, un peu comme ces cuisiniers portées aux nues de la gastronomie qui vous mettent trois crottes dans une assiette et les élèvent au rang chèrement facturé de chef d’œuvre de l’art gustatif, alors qu’une femme, tout aussi talentueuse cuisinière, saura mêler la subtilité du goût à la quantité de matière. Ce trop c’est trop qui pourrit plus les descriptions hasardeuses et monolithiques ou les pensées intimes des protagonistes que les dialogues finement structurés tant dans le contenu que le contenant, rend la lecture indigeste.

La part du mort, Yasmina Khadra
Folio

L’auteur :
Yasmina Khadra est né en 1955 en Algérie

Article publié dans Passion Bouquins

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