Le Suicide Français, Eric Zemmour (2)

Que nous raconte donc Eric Zemmour qui dérange tant le landerneau germanopratin et ses théoriciens moralistes dont la liberté de parole est souvent appointée ?

Entre ces deux dates (1990 et 2007), Eric Zemmour dissèque soixante-dix huit autres évènements archétypaux qui ont déconstruit la société française dans tous ses aspects, inclus l’intime. Une vaste et érudite randonnée où l’auteur pose ses références personnelles. Les héros de cette fresque, Napoléon, De Gaulle, Colbert, Richelieu ou encore et de façon plus nuancée Pompidou croisent les liquidateurs de leur entreprise historique et politique, de Giscard à Sarkozy, de l’ennemi héréditaire anglo-saxon (Angleterre et Etats-Unis) à la puissance oligarchique allemande, de la fin de l’étalon-or, à la monnaie unique, l’euro idiot du village planétaire, en passant par le dollar, éminence grise monétaire, de la vassalisation devant l’Otan et de capitulations en trahisons, au prosternement de nos dirigeants devant Bruxelles et son oligarchie arrogante (1er novembre 2003 – Jean-Claude Trichet ou le triomphe romain de l’oligarchie impériale). Zemmour nous croque à ce propos le portrait de quelques personnages qui siègent tout en haut de cette pyramide, véritable forteresse du capitalisme casino invisible où se gobergent les prédateurs du CAC40 (Mai 1986 – Louis Schweitzer ou la nouvelle trahison des clercs – Avril 1996 – La gloire de Ritchie’D). Qu’importe ce que le peuple – masse ou individu – pense ou ressent, qu’importe ses bonheurs et ses malheurs, ils n’en ont rien à carrer, du moment que leurs privilèges ne cessent de connaître une croissance exponentielle.

Pour ficeler cette pantomime de ces gouvernances qui se succèdent et se ressemblent toutes, on concocta durant toutes ces années, selon la vision zemmourienne, des lois entre copains et coquins de la République. Quelques exemple parmi d’autres : la loi Pleven (1 juillet 1972 : la fin de la liberté d’expression en France) faisant d’une opinion, en l’occurrence le racisme, un délit ou la loi Rothschild (3 janvier 1973 – La fin discrète du colbertisme) qui interdit à la Banque de France de faire crédit à l’État. D’une présidence à l’autre, on se refile ces lois et leur héritage, soit pour les annuler, soit pour les maquiller ou les renforcer suivant comment se gonflent les voiles du contexte social et des opportunités. Ainsi, sous l’impulsion d’un transfuge venu de la droite, Lionel Stoléru, et sur la demande de la gauche (Mitterrand et Rocard) on instaura le RMI (1er décembre 1988 – Verlaine et Van Gogh), qui deviendra des années plus tard le RSA. On lança des campagnes de prévention et de mise en garde annonçant une flopée de règles, conseils et législations afin que notre santé (10 janvier 1991 – Évin for ever) soit à l’abri de tous les maux, conséquence directe ou indirecte de nos modes de vie et de la malbouffe : contre le sida, le cancer, l’alcool, le tabac, le diabète et le cholestérol, la vitesse sur la route, etc. imposant à tout un chacun et partout – plateaux de télé, livres, films, lieux publics, etc. – des conduites normalisées et uniformisées. On réforma l’enseignement à tour de bras, chaque gouvernement ayant une idée bien arrêtée sur le sujet, de la loi Haby (décembre 1976 – Haby soit qui mal y pense) qui allait « détruire l’école primaire française qui s’enorgueillissait à juste titre d’être la meilleurs du monde… […]… pour arriver à une déculturation inouïe« ,1 jusqu’à la récente et tumultueuse réforme des rythmes scolaires, sortie des cartables hollandistes. Celle sur l’IVG (17 janvier 1975 – La femme est l’avenir de l’homme), « l’Austerlitz de notre temps » marqua au fer rouge de nos utérus,  « la révolution individualiste, hédoniste, consumériste, féministe de Mai 68« , dixit Zemmour.

On dévoya également certains faits divers. Crapuleux comme celui de l’affaire de Bruay en Artois2 (6 avril 1972 : coupable parce que bourgeois) qui permit aux maoïstes de la Gauche prolétarienne (alors clairement homophobes pour la plupart) de faire d’un crime – l’assassinat, toujours non élucidé, d’une jeune fille – une cause politique de justice de classe servant finalement aux intérêts particuliers de certains. Pour Serge July, alors journaliste à La Cause du Peuple, Bruay en Artois fut le tremplin qui lui permit de créer, avec Jean-Paul Sartre, le journal Libération (février 1973). François Ewald, alors professeur de philosophie et autre militant maoïste actif dans cette affaire coiffa ultérieurement de multiples casquettes dont celle de conseiller au MEDEF et de la présidence du Comité scientifique et éthique du groupe Areva.3 On en détourna d’autres comme l’attentat tragique de la rue Copernic (3 octobre 1980 – Les loups sont entrés dans Paris par la rue Copernic), qui tétanisa le président d’alors, Valérie Giscard d’Estaing. Il demeura invisible, muet et à la chasse. Suite à une fausse revendication, on l’attribua sans contemplation à des activistes d’extrême droite au détriment de la piste moyen-orientale qui se concrétisa en 1982 avec l’attentat de la rue des Rosiers.4 Manœuvre politicienne qui permettait à la gauche en route pour les élections présidentielles de pilonner la droite, l’accusant de collusion « entre une partie du personnel dirigeant giscardien et l’extrême droite française, de Vichy au Club de l’horloge en passant par l’OAS. »

On monta des coups. La candidature de Coluche à l’élection présidentielle (1981) fut sans nul doute, le plus jouissif. On essaya d’en éviter d’autres (Mitterrand, la chute du mur de Berlin et la réunification de l’Allemagne5 – 9 novembre 1989 – La défaite de la « Grande Nation (III)). On créa opportunément des associations SOS racisme (15 octobre 1984 – SOS baleines) ou les restos du cœur (21 décembre 1985 – Saint Coluche) des chaînes de télévision (4 novembre 1984 – Canal+ le temple cathodique du bien), des radios (8 décembre 1984 – Le jour où NRJ fit plier l’État), des fêtes (bicentenaire de la Révolution Française : 14 juillet 1989 – La défaite de la « Grande Nation »). On inventa le statut des sans-papiers (Août 1996). On biffa tous ceux qui n’étaient pas et ne sont pas dans le moule (6 novembre 1997 – Cent millions de morts… et moi, et moi, et moi), pour exemple Stéphane Courtois condamnant dans Le livre noir du communisme, « la sacralisation quasi théologique de la « Shoah » » et osant mettre sur un même pied d’égalité – à vrai dire le seul réel face à la mort – les millions d, victimes du nazisme comme du communisme, qui se conjuguent avec tous les génocides, hécatombes et autres charniers et bûchers, commis par tous les nombreux « ismes » de l’Histoire humaine.

On cacha sous le tapis tout ce qui gênait, les trahisons, les atermoiements, les lâchetés, les petits secrets d’Etat : l’antisémitisme larvé de François Mitterrand et son amitié avec Papon et Bousquet (7 octobre 1987 – Au revoir les enfants), les opinions tranchées qui filaient en quenouille (Septembre 1992 – Paroles, paroles, paroles… – (les déclarations rapportées des uns et des autres dans cet article valent leur pesant de mensonges et de flagornerie démagogique !). J’ai menti, mais c’est de bonne foi ! On absout la corruption des uns contre les autres (20 mai 1993 – La chute du Berlusconi français). On embarqua nos armées piteusement équipées dans des guerres américaines, tout en grignotant peu à peu le budget de la défense (22 février 1996 – De Louis XVIII à Jacques Chirac), l’armée coûtant toujours trop cher en temps de paix. On brada Airbus « les dirigeants français – naguère sous Sarkozy, aujourd’hui sous Hollande – n’ayant pas le courage de défendre les intérêts nationaux à visage découvert, se cachent derrière Major Tom – Thomas Enders – qui désire faire d’Airbus une société globalisée, mondialisée, sans attaches nationales, qui ne poursuit que son seul souci de la rentabilité, et la satisfaction de ses gros actionnaires avant tout, leur soumettant tout le reste : sort des salariés, conditions de travail, recherche, etc.  » On retourna sa veste mille fois, à tous les étages de la pensée (21 avril 2002 – No pasarán). Ajoutons à cette liste non exhaustive et en vrac : l’IVG et la libération sexuelle, surtout celle de la femme, le Watergate (17 juin 1972).

Bref, tout devint glauque, même le football (15 décembre 1995 – Le voyage triste du football après Bosman), au grand dam de cet amoureux de ce sport qu’est Eric Zemmour. (cf. son très bel article : 12 mai 1976 – Qui c’est les plus forts, c’est les Verts !) Tout a perdu son âme, même Paris (25 mars 2001 – Paris ne sera pas toujours Paris) où « le vivre ensemble est au mieux un côte à côte. »

Pour étayer son propos et rendre plus agréable ce rosaire polémique, perlé d’idées parfois dites et redites par d’autres avant lui (cf. ce que dans sa lettre au recteur de la Grande Mosquée, citée par l’auteur, Georges Marchais dit sur l’immigration – cela suffirait aujourd’hui à le taxer d’extrême droitisme !) pour le lecteur lambda qui ne possède ni l’érudition d’Eric Zemmour ni sa brillante gymnastique intellectuelle pour se balader, à coups de métaphores, dans les méandres du passé qui renvoient au présent, il nous fait croiser des « peoples » – reflet de leur milieu et de leur époque – qui ont, avec ou sans talent, marqués ces quatre dernières décennies.

Le hasard n’existe pas, dit-on. Le concert des Rolling Stones (27 octobre 1973 – It’s only rock and roll) à Bruxelles, parce qu’interdits en France pour usage de stupéfiants, fut l’une des dernières grandes messes vibratoires d’une jeunesse qui se libérait de tous ses carcans. Belle ironie : ces rebelles qui se voulaient iconoclastes, sont aujourd’hui de grands capitalistes anoblis ! Des chansons, des films, des livres vinrent ensuite adouber de leur message populaire subliminal les changements sociologiques, profonds ou superficiels, qui ont accompagné la fin du XX° siècle. Comme ils disent (et ne devront plus dire – 16 novembre 1972) de Charles Aznavour marqua le coming-out officiel de l’homosexualité dans la sphère publique, drainant avec elle un capitalisme aux bénéfices pharamineux. Elle fut bien vite dans la rue, applaudie par les premières gay-prides et confortée par la parodie du mariage d’Yves Mourousi, Thierry Le Luron faisant de Coluche, sa femme devant les foules hilares et de Carlos, leur enfant (25 septembre 1985 – L’émergence du pouvoir gay), tandis que dans la foulée, d’autres et non des moindres, intellectuels hétéro ou homosexuels, réclamaient la libération de la pédophilie6. La folle du régiment, leur répondit Michel Sardou. La Maison près de la Fontaine de Nino Ferrer et le Petit jardin de Dutronc (novembre 1972) coïncidèrent avec les premières mises en garde contre la destruction des ressources naturelles et la limite supportable de la démographie galopante. Maxime Le Forestier et son Etre né quelque part (1987) exhorta, quant à lui, le droit du sol à l’occasion de la mort violente de Malek Oussekine (6 décembre 1986). Pierre Perret évoqua le thème de l’immigration bafouée dans sa chanson Lily (Juin 1977 – Lily mieux que le zizi). Cela coïncide, selon l’auteur, au moment où l’immigration changeait de nature. On ne venait plus en France pour faire le travail que les Français pour la plupart ne voulaient pas faire, mais au nom du « regroupement familial, par lequel le patronat français acheva la destruction de la classe ouvrière nationale…[…]… On avait besoin de faire croire à la population que rien n’avait changé, que l’immigration était toujours utile au pays, alors que le chômage de masse avait commencé son irrésistible ascension, et qu’un nombre croissant d’immigrés le subissait. » Avec son dernier grand succès L’Aziza (1985), dédié à sa compagne juive marocaine, Daniel Balavoine militant actif et porte-parole d’une jeunesse révoltée, « transforme sa déclaration d’amour en ode antiraciste… » Michel Delpech, lui, vulgarisa le divorce paisible dans Les divorcés (De si gentils divorcés – juillet 1973), donnant aux féministes selon Eric Zemmour – qui malheureusement amalgame d’une façon récurrente et très primaire féminité et féminisme -, et plus globalement à la génération du baby-boom, une opportunité légale d’en finir avec la famille, en s’essayant au sexe de consommation, sans désir ni amour. Balavoine avec Mon fils, ma Bataille (1er novembre 1980) aborde la garde des enfants du divorce, « une suite à la chanson de Michel Delpech« . dixit Zemmour, ce texte stigmatisa les prémices de la conflictuelle théorie du genre. « Balavoine pousse jusqu’au bout l’inversion des rôles et des sexes…[…]… Elle est l’homme, il est la femme…[…]….L’homme est devenu une mère comme les autres« , écrit-il. L’irruption du rap, de Joey Star et Kool Shen (Juin 1991 – Les Rap-petout) qui forma le groupe NTM (Nique ta mère) mit en exergue ce militantisme de bon aloi, la justice ayant statué que le rap est « un style artistique permettant un recours possible à une certaine dose d’exagération. » (sic). Lancé par la radio Skyrock, elle-même financée par « la Deutsche Bank et la Goldman Sachs« , le rap gagna ses galons culturels, ses bagnoles de luxe, ses filles-fan et ses chaînes en or massif.

A la somme de toutes ces manifestations diverses que l’on disait subversives, mais dont la subversion molle finit par appauvrir d’autant la contre-culture jusqu’à la convertir en une banalité officielle, l’auteur y ajoute des films, entre autres : Les Valseuses (Avril 1974 – Les valseuses sans gêne) de Bertrand Blier, Le Dernier Tango à Paris de Bertolucci et La Grande Bouffe de Marco Ferreri, Vincent, François, Paul (et les autres pour qui sonne le glas – 20 octobre 1974) de Claude Sautet ou Dupont la joie (26 février 1975 – Nous sommes tous des Dupont Lajoie !) d’Yves Boisset, donnant pour chacun la lecture sociologique qu’il en a. Il y joint quelques apartés sur l’art contemporain dont les dispendieuses colonnes de Daniel Buren7 (juillet 1980 – Buren Royal) dans la cour du Palais Royal, une « laideur qui se pare des atours (artistiques) de la transgression. » Nombreux furent ceux qui s’y opposèrent à tel point que « BHL proposa que les intellectuels se relaient pour assurer la protection du chantier. »

Finalement, quelle que soit la finesse ou la superficialité de l’interprétation, tout ceci reste très intello et illustre parfaitement ce dont Eric Zemmour se défend.

Nos convictions se mutent fréquemment en opinions labiles qui se réduisent actuellement au sacro-saint pouvoir d’achat ou au besoin viscéral d’être reconnu, applaudi, voire aimé par ses pairs et encore mieux, par une flopée d’anonymes qui voit en vous un modèle à suivre ou à écouter..L’émotionnel a pris le pas sur le rationnel.Plus qu’un individualisme hédoniste plus ou moins assumé, règne dire un j’m’en foutisme hallucinant. Dès lors, les décisions se prennent sur des pulsions plutôt que sur une vision à long terme dûment réfléchie. Aujourd’hui, on ne pèse plus ni le pour ni le contre. On zappe si ça ne colle pas….

 

Notes

1.- On est aujourd’hui au 25° rang sur 65 pays. Au 14° en 2000,
2. – En exergue et pour avoir entendu l’un d’entre eux affirmer que « le maoïsme et le troskyme, c’est bien jusqu’à trente ans, » citons quelques maoïstes qui se laissèrent séduire par d’autres sirènes embourgeoisées, plus sécurisantes : le philosophe André Glucksmann, le psy télévisuel Gérard Miller, les architectes Roland Castro et Christian de Portzamparc, les écrivains Philippe Sollers et Olivier Rolin ou encore Alain Geismar, grand assidu des cabinets ministériels socialistes, sans oublier l’incontournable BHL.
3. – http://fr.wikipedia.org/wiki/Attentat_de_la_rue_Copernic
4.- http://globe.blogs.nouvelobs.com/archive/2009/11/04/mitterrand-et-la-reunification-allemande.html
5. – http://www.enquete-debat.fr/archives/extrait-du-livre-noir-de-la-gauche-chapitre-sur-la-pedophilie-52393
A lire à ce sujet cet article sur le livre noir de la gauche…
6. – http://fr.sott.net/article/8084-Elites-pedophiles-liste-non-exhaustive
7. – Le cout des colonnes de Buren : Mais ces colonnes et son environnement se sont dégradées au fil du temps et l’œuvre avait été classée monument historique. En décembre 2007, l’artiste Daniel Buren laisse éclater sa colère sur le « délabrement extrême » de son œuvre « Les deux plateaux ». En novembre 2008, la rénovation commence : Le revêtement de surface (du simple asphalte) a été intégralement refait, le réseau de circulation d’eau et le dispositif de fontainerie ont été entièrement refaits, l’installation électrique, un court-circuit, a été rénové. Un nouveau dispositif d’éclairage, totalement encastré, a été mis en place en surface.
Le coût de l’opération, « toutes dépenses confondues », s’élève à 5,3 millions d’euros, ainsi que 500.000 euros de mécénat par le groupe Eiffage. Pour mémoire elles avaient coûté à l’État un peu plus d’un million d’euros.

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