Serge Bilé, un voyage dans le temps et l’espace

C’est un voyage dans le temps et l’espace, dans une « négritude » écrivit Aimé Césaire « qui n’est pas taie d’eau morte » mais « plonge dans la chair rouge du sol et troue l’accablement opaque de sa droite patience.», auquel nous convie l’écrivain et journaliste franco-ivoirien Serge Bilé dans ses trois livres, entre récit historique et narration romancée, Esclave et bourreau, Noirs dans les camps nazis, et Le seul passager Noir du Titanic.

Comprendre les racines d’un mal qui est commun à toute l’humanité, à savoir la négation de l’Autre, celui qui l’on dit inférieur par nature selon des critères ahurissants, décortiquer la complexité de la relation entre opprimé et oppresseur, le lent asservissement de l’un face à la conviction destructrice de l’autre, sûr de son bon droit qu’il exerce sans état d’âme en usant et abusant de toute la palette de justificatifs que lui permet le paradigme référent, telle est la tâche délicate que s’est assignée Serge Bilé en se plongeant dans la vie d’hommes ordinaires qui ont écrit chacun à leur manière une page de l’histoire africaine.

Il est à noter en préambule que les civilisations antiques se fichaient comme de l’an quarante de la couleur de peau. Les mariages mixtes étaient fréquents chez les Grecs et les Romains sans pour autant lever les boucliers d’une prude et hypocrite offuscation. La condition de Barbares n’était pas liée à la pigmentation de la peau. Pour les Chinois, était barbare celui qui n’appartenait pas à l’Empire du Milieu. De même, pour les Romains étaient barbares tous les peuples étrangers, sauf les Grecs. Pour les Perses, ce furent les Scythes. L’esclavage n’était pas alors lié à une affectation raciale, mais plutôt aux circonstances qui faisaient des individus des dominants ou des dominés. Il n’était pas non plus un trait permanent qui se transmettait à toute votre descendance.

La conception de catégories raciales, les Blancs étant par excellence la race supérieure, est le fruit pourri de l’alliance entre le religieux et le mercantilisme. Comme on le fait encore aujourd’hui, on envoyait d’abord les armées en opération conquête de territoires, suivies de très près par les commerçants et les religieux. À l’époque, on ne leur vendait pas, telle une panacée miraculeuse, le modèle démocratique, mais celui de l’éducation et de l’épopée civilisatrice au nom de la charité chrétienne. Une façon moins édulcorée de spolier des peuples entiers de leur richesse et de les asservir souvent par la violence et le meurtre. La colonisation ne fut jamais civilisatrice, mais capitaliste. Et elle l’est toujours. Les prédateurs à la recherche de nouvelles possibilités d’investissement ont seulement changé de costume et de moyens de transport.

Les grandes puissances, en priorité les maritimes, se partagèrent le monde avant d’y envoyer des colons. Ainsi, les établissements des Antilles furent pratiquement tous initiés par des Blancs, des aventuriers en provenance de tous les pays d’Europe. Le prix du travail d’un Blanc libre coûtant beaucoup plus cher que celui d’un Noir esclave, cela portait un tel préjudice aux bénéfices monétisés des gouvernements que ceux-ci décidèrent qu’il était plus rentable d’exploiter jusqu’au sang les autochtones, donnée invariable commune à toutes les époques et sur tous les territoires conquis par les armes et dont l’annexion fit des colonies, extensions territoriales de nombreux empires.1

Après, on s’arrangea avec les idéologies selon le paradigme en vogue. Au XIXème siècle, la science y mêla son grain de sel en élaborant un prétendu système de représentations catégorielles, créant le concept de races soi-disant permanentes, voire définitives, induisant un racisme théorique. Toutes les capitales européennes le mirent en pratique en ouvrant, sous prétexte d’expositions ethnologiques, des zoos humains2 où le public se pressa en foule pour découvrir un « Autre », mis en scène et en cage. C’est de ce concept de race que naquit l’idéologie nazie avec les conséquences dramatiques que l’on connaît.

Dans Esclave et bourreau, nous sommes en 1733, sous le règne de Louis XV. La Martinique est une possession française depuis un siècle. Les plantations de canne à sucre dont le nombre se multiplie, exigent de plus en plus de main d’œuvre, ce qui fait baisser d’autant plus les coûts de production que les esclaves Noirs étaient encore moins payés que ne le sont les Chinois, les Indiens, les Philippins ou les Africains qui fabriquent aujourd’hui nos Smartphones, nos vêtements, nos godasses, désossent nos ordinateurs de leurs composants toxiques ou désarment les cadavres pollués de nos navires. Le trafic des esclaves explose. La délocalisation sert déjà les intérêts du capitalisme, tout comme elle le fait aujourd’hui sans que cela nous interpelle plus que les esclavagistes d’hier. En France, les ports négriers3, principalement ceux de Nantes, Bordeaux, de La Rochelle, de Saint-Malo et de Marseille, participent joyeusement, via le commerce triangulaire, à la bonne fortune de quelques grandes familles et autres notables, assurant ainsi la pérennité financière de leurs descendants. Le Code Noir4 qui fut élaboré par Colbert et promulgué en 1685, puis revu et corrigé par Louis XV en 1724, est appliqué avec zèle dans toutes les colonies françaises et sera adopté par d’autres pays. Il définit les droits du propriétaire sur l’esclave. Si le premier en usait et abusait, se montrant très inventif en matière de répressions, tortures et châtiments, parfois aidé et conseillé en cela par sa diligente épouse, le second, considéré comme un «meuble », n’en avait aucun. Le droit de cuissage flirtait quotidiennement avec le droit de vie et de mort. En Europe, les intellectuels du Siècle des Lumières dont la plupart jouit encore d’une grande renommée posthume, se donnaient alors pour but de lutter contre toute forme d’obscurantisme et prônaient une société plus juste et plus égalitaire, respectueuse des libertés individuelles et collectives – dont la liberté d’expression – mais faisaient fi de leurs idéologies dès lors que les intérêts, ceux de la nation ou les leurs, étaient en jeu. Les siècles passent, les revendications subsistent, scellées du sceau du même « foutage » de gueule par les puissants d’hier et d’aujourd’hui.

Ce brave Voltaire, par exemple, dont on nous jure à l’école qu’il fut un homme sage, fut un fervent supporter plutôt que défenseur de l’esclavagisme. Tandis que le protagoniste de Esclave et Bourreau, Martin Léveillé, âgé de vingt-quatre ans, « meuble du Sieur Sarrau », condamné à mort pour s’être échappé plusieurs fois, croupissait à la prison de Fort Royal (Martinique) en attente de son exécution publique, Voltaire écrivait : « Les Blancs sont supérieurs à ces Nègres, comme les Nègres le sont aux singes, et comme les singes le sont aux huîtres. »5 – « Nous n’achetons des esclaves domestiques que chez les Nègres ; on nous reproche ce commerce. Un peuple qui trafique de ses enfants est encore plus condamnable que l’acheteur. Ce négoce démontre notre supériorité ; celui qui se donne un maître était né pour en avoir. »6 Il faut dire que le philosophe défendait âprement ses lumières personnelles. Il aimait l’argent, il fut immensément riche et spécula sa vie durant, d’une part en jouant les usuriers, consentant des prêts à des taux exorbitants4 et d’autre part, en concluant des affaires avec les armateurs nantais et la Compagnie des Indes dans différentes opérations de traite des esclaves, dont l’armement du bateau négrier, Le Congo.7

Mathieu Léveillé, lui, songe à tous ses compagnons marqués à l’épaule et au fer rouge d’une fleur de lys, dont le jarret a été coupé, la plante des pieds brûlée, le corps dénudé, attaché à un pieu et enduit de sucre, une véritable orgie pour les fourmis. Il pense au travail harassant, sans nul repos, au fouet en cuir d’hippopotame ou de rhinocéros8 qui fait gicler le sang des dos, à la nourriture infecte et chiche, au suicide collectif des esclaves afin que leur esprit, à défaut de leur corps, retourne dans leur pays natal. La liberté qu’il a grappillée en s’enfuyant à plusieurs reprises, lui vaut l’appellation de « Nègre marron », éclaircissement ô combien ironique de sa carnation ! Terroriste en puissance, soupçonné de vouloir zigouiller tous les Blancs qui croisent son chemin, la peine de mort est la conclusion logique de sa rébellion. Condamné à mort, on lui propose de surseoir à ce châtiment, s’il accepte de devenir Maître des Hautes Œuvres du Roi, autrement dit bourreau, en Nouvelle France (Louisiane). Faire subir à d’autres ce qu’il a subi. En contrepartie, il deviendra salarié de l’État et jouira d’une relative liberté. Jusque-là le parcours d’un être humain que l’on a dépossédé de sa vie.

Mathieu Léveillé fait jouer, intuitivement ou consciemment, son libre arbitre. Vivre, mourir ou survivre ? L’esclave décide de devenir bourreau. On peut y voir comme Serge Bilé, ou du moins dans ce qu’il sous-entend, qu’il y a là comme une rédemption. Néanmoins rien n’est moins sûr que Mathieu Léveillé soit encore à cet instant une victime de l’esclavage et de la colonisation, empêtré dans une destinée aux lointaines ramifications dont il n’est que l’un des pions. Nombreux furent les esclaves qui refusèrent ce choix du roi, préférant la mort à l’ignominie. Lui, il accepte cette charge, tout comme le firent, avant et après lui, des repris de justice Blancs. Peu importe ses raisons pour justifier son choix a posteriori. Sa condition de bourreau (et au vu du menu des tortures infligées, il fallait avoir un sacré estomac), en fait indubitablement le collaborateur d’un système qu’il exècre et tue les siens. Qu’il en devienne dépressif et mélancolique, qu’importe ! Qu’il soit dichotomique, voire sociopathe, cela lui donne-t-il quelques excuses ? Il a opté pour le plus facile, son propre reniement. Ce n’est pas sa couleur de peau qui détermina sa décision, c’est sa nature d’homme.

Tout comme c’est sa nature d’homme qui trace le parcours de Joseph Laroche, seul Noir d’origine haïtienne à bord du Titanic. Né en 1866, issu d’une famille bourgeoise, son grand-père fut le bottier du Roi Christophe, élevé seul par Euzélie Laroche, une mère business woman, son père ne l’ayant pas reconnu, boosté par l’ambition affectueuse de cette dernière, cet enfant privilégié est d’abord scolarisé dans une école gérée par les Frères de l’Instruction Chrétienne au Cap, avant d’être envoyé à l’âge de quinze ans dans une institution religieuse à Beauvais. Il décroche son bac, puis son diplôme d’ingénieur en 1907 et épouse une française, Juliette Larfargue, en 1908. Les couples mixtes étaient alors rarissimes. Néanmoins, il semble que Joseph Laroche n’ait été victime ni de préjugés raciaux ni d’ostracisme, ni au sein de sa famille d’adoption ni dans sa vie professionnelle et quotidienne, bien que les théories racistes et l’eugénisme alimentassent les fantasmes d’hégémonie de nombreux intellectuels d’alors. Le physiologiste Claude Richet, prix Nobel 1913, membre fondateur de la Société française d’eugénisme dont il fut le président de 1920 à 1926, et dont le nom orne toujours bien des plaques de rue dans nos villes, défendait farouchement l’idée « …d’une véritable aristocratie, celle des Blancs, de pure race, non mélangés avec les détestables éléments ethniques que l’Afrique et l’Asie introduiraient parmi nous. ». Pris d’un lyrisme assassin et quelque peu mégalo, il affirmait qu’ « après l’élimination des races inférieures, le premier pas dans la voie de la sélection, c’est l’élimination des anormaux. On va me traiter de monstre parce que je préfère les enfants sains aux enfants tarés … Ce qui fait l’homme c’est l’intelligence. Une masse de chair humaine, sans intelligence, ce n’est rien.»9

La sottise n’est pas raciste. Elle est. C’est une composante constante de l’identité de tous les peuples. On est toujours le nègre de quelqu’un.

C’est ainsi qu’à l’époque de Joseph Laroche, l’exploitation esclavagiste et la maltraitance de la main d’œuvre bon marché – irlandaise, canadienne, portugaise, polonaise, chinoise et italienne, entre autres -, étaient banales aux États-Unis, tout comme le travail harassant des enfants de huit à dix ans à raison de douze heures par jour. Les grandes fortunes anglo-saxonnes reposent sur des monceaux de cadavres et de sordides discriminations. Pour les anglo-saxons – Américains et Britanniques – de ce début du XXème siècle, les Chinois sont vicieux et dépourvus d’intelligence, mais assez bons pour mourir par milliers en construisant les chemins de fer américains et à travailler dans les mines. Les Irlandais sont sales, braillards et alcooliques, le Juif est cupide, l’Arabe fourbe, l’Indien, un malheureux barbare et le Jaune, hypocrite.

Joseph Laroche, quant à lui, trouvera relativement facilement un emploi chez Nord Sud où il est affecté au tracé de la ligne A du métro qui va de la Porte de la Chapelle à la Porte de Versailles. Il devient père de deux filles. Un parcours sans faute où le racisme semble peu présent. Les difficultés matérielles surgissent lorsque son contrat de travail arrive à terme. Il a du mal à en trouver un autre. Sa fille Juliette dira qu’il fut victime de préjugés raciaux : « Joseph trouvait de petits boulots, mais ses employeurs prétextaient toujours qu’il était jeune et inexpérimenté. », réponse qui en elle-même est un tour de passe-passe type – ô combien actuel – de bon nombre d’employeurs en réponse aux postulants, quelle que soit leur couleur de peau. N’oublions pas qu’au début du XXème siècle, les conditions de travail étaient… sans condition pour l’immense majorité des hommes, des femmes et des enfants. Plus de dix heures de labeur par jour, soixante heures par semaine, pas de congé, salaires misérables, aucune couverture sociale, des mômes qui triment comme des adultes, maladies et malnutrition, etc. Bref, les lendemains joyeux que nous réserve peut-être la loi El-Khomri !… Son retour en Haïti fut peut-être motivé par un racisme rampant, sûrement par le désir légitime non seulement de retourner parmi les siens et de renouer avec tout ce qui l’avait structuré, mais aussi parce que le gouvernement nouvellement en place et dont les postes clefs étaient aux mains de sa propre famille, lui offrait un travail d’enseignant à la mesure de ses compétences. Il embarqua avec sa femme enceinte et ses deux filles sur le Titanic en 1912. Le transatlantique France refusant que les enfants partagent les repas avec leurs parents, il changea au dernier moment les billets pour s’embarquer sur le Titanic. Il ne devait jamais arriver.

Joseph Laroche était avant tout une bonne personne. Un être intelligent, doué d’une volonté peu commune. Un homme de cœur et de conviction et à l’inverse de Mathieu Léveillé, un être d’exception, capable de sacrifier sa vie pour sauver celle des siens. Là encore, la couleur de peau n’a rien à avoir à l’affaire.

Néanmoins, on ne peut nier, si l’on regarde les cartes des empires coloniaux, que l’Afrique fut le terrain de jeu de toutes les puissances politiques, et ce depuis des temps reculés. Dans ce sens, comme le souligne fort justement Hannah Arendt, l’impérialisme européen a accumulé sur le sol africain « les ingrédients nécessaires à la production massive de cadavres, qui sera pratiquée au XXème siècle au cœur même de l’Europe10 Les premiers camps de concentration, outil répressif de n’importe quel gouvernement totalitaire, furent créés en Afrique par les colonisateurs Européens. « Ils apparaissent pour la première fois au début du XXème siècle, pendant la guerre des Boers et on continua à les utiliser en Afrique du Sud ainsi qu’en Inde pour les « éléments indésirables »11 Le Noir, étant un être différent auquel les droits de l’homme blanc ne saurait convenir, les génocides perpétrés en Afrique coloniale furent les prémices de ceux que le nazisme allaient commettre en Europe. C’est ce que nous rappelle Serge Bilé dans son livre Noirs dans les camps nazis, en évoquant le massacre des Hereros : « C’est là pourtant que tout a commencé, là qu’est né le nazisme bien avant l’heure, là qu’ont été expérimentés les premiers camps de concentration avant la Seconde Guerre mondiale, là qu’ont été jetées les bases de la solution finale bien avant l’avènement d’Hitler. »12 À l’extermination des tribus hottentotes par les Boers (puis des Boers par les Anglais qui les internèrent dans des camps de concentration), la décimation de la population du Congo13 (passée de 20 à 8 millions), sans parler de toutes les exactions odieuses commises par des coloniaux, on peut ajouter celle du peuple Herero. En Namibie, Heinrich Göring, père du futur dignitaire nazi, puis le tristement célèbre général von Trotha, exterminèrent 80 % de la population Herero. Les survivants, essentiellement des femmes, furent regroupés dans des « konzentrationlager », terme officiel utilisé par la chancellerie en 1905. Ils y furent systématiquement tatoués du sigle GH (Herero capturé). La moitié mourut dans l’année qui suivit, tandis que d’autres servirent aux expérimentations du généticien racialiste Eugène Fisher qui allait diriger, sous Hitler, l’institut d’anthropologie, d’hérédité humaine et d’eugénisme à Berlin. Joseph Conrad qui descendit le fleuve Congo en 1890 décrivit parfaitement cette pulsion de mort civilisatrice européenne dans son livre : Au cœur des ténèbres.

Au vu de ces quelques données préliminaires, on pourrait s’attendre à ce que l’extermination des Noirs ait fait partie de la solution finale nazie. Si les gens de couleur entraient dans le champ d’application des lois raciales de Nuremberg, en 1935, si les mariages avec des personnes de sang allemand leur furent interdits, si en 1937, bon nombre de Noirs et de métis furent stérilisés et bien qu’ils furent en but à un racisme exacerbé, à l’incarcération sommaire, aux brutalités gratuites et aux meurtres, jamais les Nazis ne préconisèrent leur élimination systématique comme ce fut le cas pour les Juifs, les Tziganes et d’autres populations. Les ancêtres de ces Afro-allemands avaient débarqué sur le sol du Reich avec les bateaux négriers et lors des exhibitions exotiques des zoos humains. Avant la Première Guerre Mondiale, beaucoup d’Africains étaient venus en Allemagne comme étudiants, artisans, artistes de cabarets, musiciens (en particulier des jazzmen) anciens soldats ou ex-petits fonctionnaires coloniaux. En 1933, on en comptait environ 3000. Bon nombre d’entre eux, avec d’autres Noirs vivant en Allemagne ou non, ainsi que des soldats noirs américains, britanniques et français seront, pour une raison ou une autre, jetés dans les camps de concentration. Ils furent prisonniers de guerre, militants communistes, résistants ou simples malchanceux. D’autres ne furent même jamais faits prisonniers, mais furent immédiatement tués par les SS ou la Gestapo. En chemin, il y eut également les soldats africains que les soldats allemands croisèrent et qu’ils fusillèrent en masse, comme les tirailleurs sénégalais du 44eme régiment et du 25° RTS ou les soldats américains noirs du 333th Field Artillery Battalion. Anonymes ou non, lâches ou courageux, solidaires ou solitaires, Serge Bilé nous fait revivre l’enfer de ces hommes et ces femmes. Néanmoins, si dans ce cas la couleur de peau était un élément non négligeable qui stimula parfois le sadisme nazi, l’horreur était la même pour tout le monde.

La démarche de Serge Bilé est noble, courageuse en ce sens qu’elle réhabilite la « Négritude » dans ce qu’elle eut de douloureusement nié. Il nous rappelle également que l’horreur couve toujours sous les cendres et que malheureusement, elle n’a jamais été ni n’est l’exclusivité de l’hégémonie occidentale. Preuve en est l’actualité.

© L’Ombre du Regard Ed., Mélanie Talcott – 03/06/ 2016
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Notes

1.- https://fr.wikipedia.org/wiki/Empire_colonial empire colonial portugais, espagnol, britannique, français, belge, néerlandais, danois, norvégien, suédois, courlandais, écossais, brandebourgeois, allemand, autrichien, italien, russe, ottoman chinois, japonais, États-Unis, sultanat d’Oman.

2. – Hambourg, Londres, Bruxelles, Chicago, Genève, Barcelone, Osaka… Toutes les grandes villes qui accèdent à la modernité exposent dans des zoos ­humains ceux qu’ils considèrent comme des sauvages. Sénégalais, Nubiens, Daho­méens, Égyptiens, Lapons, Amérin­diens, Coréens et autres peuples dits exotiques sont ainsi présentés dans un environ­nement évoquant leurs contrées, souvent dans des costumes de pacotille et aux côtés de bêtes sauvages. À Bruxelles, en 1897, on peut lire sur un panneau : « Ne pas donner à manger aux Congolais, ils sont nourris. » Plus d’un milliard de visiteurs se seraient pressés pour voir ce type d’exhibitions entre 1870 et 1940. – https://lejournal.cnrs.fr/articles/a-lepoque-des-zoos-humains

3. – Les ports négriers en France : http://www.liberation.fr/planete/2011/05/07/les-ports-negriers-au-xviiie-siecle_734025 // http://la1ere.francetvinfo.fr/2015/05/06/esclavage-la-decouverte-des-ports-negriers-de-l-hexagone-carte-interactive-250603.html

4. – Le Code Noir fut appliqué aux Antilles en 1687, en Guyane en 1704, à La Réunion (ex île Bourbon) en 1723, en Louisiane (ex Nouvelle-France) avec certaines dispositions encore plus rigoureuses) en 1724. Abrogé par la loi du 4 février 1794, le Code Noir fut remis en vigueur par Napoléon le 20 mai 1802 et appliqué jusqu’au 27 avril 1848.

5. – Voltaire (1694 – 1778), Traité de métaphysique.

6. – Voir le livre Ménage et finances de Voltaire (1854), de Louis Nicolardot. L’ouvrage est téléchargeable sur Google-books.

7. – Voir Histoire universelle, 3ème édition, Tome XIII, p 148. Accessible sur Google books, cité par César Cantu, la Lettre à Michaud de Nantes, son associé  dans l’armement du Congo : « Je me félicite avec vous de l’heureux succès du navire le Congo, arrivé si à propos sur la côte d’Afrique pour soustraire à la mort tant de malheureux nègres… Je me réjouis d’avoir fait une bonne affaire en même temps qu’une bonne action. »

8. – http://raphael.afrikblog.com/archives/2012/07/09/24671265.html // https://fr.wikipedia.org/wiki/Chicotte

9. – Charles Richet,1850-1935, Prix Nobel de médecine et physiologie 1913, Sélection humaine 1919. – Lois psychologiques de l’évolution des peuples (1895), Gustave Le Bon, éd. Félix Alcan, 1907, chap. III, p. 124

10. – Gabriel MAISSIN, « Hannah Arendt, l’art de l’alarme », n˚46, octobre 2006, in URL : Politique-euorg, p. 3.

11. – Hannah ARENDT, L’Impérialisme in dans Les Origines du totalitarisme, op. cit., p. 786.

12. – Noirs dans les camps nazis, p. 7

13. – https://comptoir.org/2014/10/08/le-congo-belge-de-leopold-ii-les-origines-du-massacre/

Bibliographie non-exhaustive de Serge Bilé – https://fr-fr.facebook.com/Serge-Bil%C3%A9-47462136382/
Esclave et bourreau, Le Serpent à plumes, 2016
Le seul passager noir du Titanic, Grand West, 2016
Noirs dans les camps nazis, Le serpent à plumes, 2005
Quand les Noirs avaient des esclaves blancs, Éditions Pascal Galodé , 2008
Sombres Bourreaux – collabos africains, antillais, guyanais, réunionnais et noirs américains, dans la deuxième guerre mondiale Éditions Pascal Galodé, 2011
La Mauresse de Moret, la religieuse au sang bleu, Éditions Pascal Galodé, 2012

A lire
Traite des Blancs, Traite de Noirs, aspects méconnus et conséquences actuelles, Rosa Amélia Plumelle-Uribe, L’harmattan. Résumé : Si à partir du VIIè<siècle une certaine Afrique était devenue pourvoyeuse d’esclaves exportés vers les pays musulmans, à partir du VIIIè siècle et jusqu’à la fin du Moyen Age, une certaine Europe était pourvoyeuse d’esclaves exportés vers les pays musulmans : des Européens étaient vendus par d’autres Européens aux marchands trafiquants d’esclaves. D’une histoire tronquée, on ne peut tirer que des idées faussées. Il s’agit de combler cette lacune.
La Férocité blanche – des non-blancs aux non-aryens, ces génocides occultés de 1492 à nos jours, Rosa Amélia Plumelle-Uribe, mars 2001, Albin Michel. Résumé : La traite des Noirs, la conquête de l’Amérique, l’occupation de l’Afrique ont profondément modifié les rapports des Européens aux autres. Le pas entre différence et supériorité a vite été franchi.
Les fantômes du roi Léopold, Adam Hochschild, Belfond, 1998. Résumé : Dans les années 1880, alors que l’Europe se lance dans la colonisation de l’Afrique, le roi Léopold II de Belgique s’empare, à titre personnel, des immenses territoires traversés par le fleuve Congo, afin de faire main basse sur ses prodigieuses richesses. Réduite en esclavage, la population subit travail forcé, tortures et mutilations, au point qu’on estime à 10 millions le nombre d’Africains qui périrent. Avec une force d’évocation exceptionnelle, Adam Hochschild peint le portrait d’un roi mégalomane et décrit les combats de ses opposants, la vie des témoins – explorateurs, missionnaires – et celle des victimes.
Quand l’Africain était l’or noir de l’Europe, Rigobert Bwemba-Bong, Meniabuc, 2005, Anibwe, 2010. – Résumé : le professeur camerounais Bwemba Bong est une sommité dans son domaine de l’histoire. Ses livres qui parlent du passé du continent et ses rapports avec l’Europe colonisatrice font autorités. Ses propos dérangent la bonne conscience de l’occident. Pour bien expliquer sa démarche, il a étudié ces rapports et a consacré toute une série d’ouvrages à ce sujet; –
http://www.shenoc.com/Esclavage_la_complicite_des_victimes.htm

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