Soumission, Michel Houellebecq

Soumission Un mot qui sonne le glas. Un mot sans d’autre promesse que la mise en berne des êtres quels qu’ils soient. Un mot comme un deuil, violent ou silencieux. Un mot que mâchouille jusqu’à satiété Michel Houellebecq dans son dernier livre sur lequel tout le monde a quelque chose à dire, souvent sans même l’avoir lu. Car aujourd’hui existent aussi des mots sésame qui suffisent à ragaillardir toutes ces doctes voix qui pour avoir pignon sur presse, se font un devoir de mouliner dans les haut-parleurs de nos surdités d’handicapés mentaux, ce qu’il faut ou non penser. Le vocable Islam appartient à cette liste. Il est vrai qu’il est très délicat à magner. Chaque jour, partout, ses deux syllabes peuvent se révéler assassines. C’est pourtant autour de ce mot que l’auteur articule la charpente de paille de sa fiction et monte la chantilly de sa promotion. Nous sommes en 2022 et après moultes magouilles, arrangements entre amis, désistements politiques de tous bords, et pour que Marine Le Pen n’accède pas au pouvoir, la France a élu la Fraternité musulmane. Une gouvernance islamiste soft, arrosée – depuis bien avant 2022 – par les pétromonarchies qui misent avant tout sur l’éducation des élites éclairées et des masses contrôlées, où les femmes voilées, les baisables et les femmes pot-au-feu, retournent au harem, faisant chuter d’autant le chômage, et les universités, sous la régulation du Coran. Cette gouvernance a un nom, celui de Mohammed Ben Abbes qui rêve d’une Europe dont le pivot serait la Méditerranée.

La fiction de Houellebecq s’arrête là, entre billevesées sexuelles et égratignures mesquines au panel médiatico-politique actuel (David Pujadas, François Bayrou, Christophe Barbier ou encore François Hollande qu’il fustige : «A l’issue de ses deux quinquennats calamiteux, n’ayant dû sa réélection qu’à la stratégie minable consistant à favoriser la montée du Front national, le président sortant avait pratiquement renoncé à s’exprimer, et la plupart des médias semblaient même avoir oublié son existence. Lorsque, sur le perron de l’Elysée, devant la petite dizaine de journalistes présents, il se présenta comme le « dernier rempart de l’ordre républicain », il y eut quelques rires, brefs mais très perceptibles.»

Y voir une histoire prédictive quant à l’avenir de notre pays, même si l’hypothèse est plausible, est prêter à Houellebecq une clairvoyance, fut-elle littéraire, dont il est totalement dépourvu tant son analyse simpliste, voire complaisante, pailletée d’une ode à Huysmans, sert ses intimes intérêts narcissiques sous la ceinture.

Pourtant dès les premières pages, il nous précise ses buts : « seule la littérature peut vous donner cette sensation de contact avec un autre esprit humain, avec l’intégralité de cet esprit, ses faiblesses et ses grandeurs, ses limitations, ses petitesses, ses idées fixes, ses croyances ; avec tout ce qui l’émeut, l’intéresse, l’excite ou lui répugne. Seule la littérature peut vous permettre d’entrer en contact avec l’esprit d’un mort, de manière plus directe, plus complète et plus profonde que ne le ferait même la conversation avec un ami – aussi profonde, aussi durable que soit une amitié, jamais on ne se livre, dans une conversation, aussi complètement qu’on ne le fait devant une feuille vide, s’adressant à un destinataire inconnu… […]… Un auteur c’est avant tout un être humain, présent dans ses livres, qu’il écrive très bien ou très mal en définitive importe peu, l’essentiel est qu’il écrive et qu’il soit, effectivement, présent dans ses livres. »

Houellebecq qui pour l’occasion se baptise François, professeur quarantenaire à la Sorbonne et théseux de Huysmans, se met donc en scène et en selle dans l’entrejambe de jeunes étudiantes ou de prostituées maghrébines, un de ses hauts lieux de villégiature fantasmé ou vécu, où il ne se perd pas dans la géographie des sentiments. Il entre, il va, il vient, il sort avant de retourner à ses clopes et à tout ce qui possède un degré d’alcool suffisant pour être bu. Entre temps, il pose un œil torve sur ses contemporains dont il n’a rien à cirer, attend que le temps finisse par l’occire, le suicide exigeant un minimum d’intérêt, se regarde haineusement vieillir, tout en cherchant désespérément comment occuper les années qui lui restent, ayant été mis confortablement à la retraite anticipée. Certes il est admiré et reconnu. On lui prête un talent certain pour ses travaux sur Huysmans, son mentor à survivre sur les traces duquel Houellebecq chemine quelque peu désincarné, part et revient, attelant son héros de professeur à une réédition de ses œuvres à la Pléiade. Une superbe carte de visite pour ce cynique étiolé qui ressemble, corrigé version pathétiquement intello, au gros dégueulasse de Reiser. Toujours en quête de sexe où étancher son ennui, il croise entre sauteries désormais exclusivement masculines des hommes qui sont des lambeaux de lui-même, Robert Rediger, identitaire converti à l’Islam, nouveau recteur de la Sorbonne et chantre d’Histoire d’O qui vend à son pote François-Houellebecq  « l’idée renversante et simple, jamais exprimée, que le sommet du bonheur humain réside dans la soumission la plus absolue » ou l’ex-flic désabusé de la DGSI, qui dresse un portait politique de l’Islam.

Huysmans s’est converti au christianisme – qui eut aussi, rappelons-le, ses bûchers et ses inquisitions -, par dégoût du monde. François, lui, se convertit à la religion musulmane par désœuvrement, pour le pognon et pour honorer son foutre, l’Islam étant devenu pour ces élites molles, une pompe à fric et l’assurance d’une polygamie légale, trois épouses garanties sur conversion, la domestique, la pute et la nymphette. Bref, le paradis des houris et la sécurité de ses érections.

Est-ce l’Islam ? Je ne le crois pas. Est-ce l’opportunisme stylistique, semé parfois de pépites, d’un écrivain à l’ego malade, soumis à ses sueurs intimes ? Je le pense.

 

© L’Ombre du Regard Ed., Mélanie Talcott  -08/01/2015
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Soumission de Michel Houellebecq, Flammarion

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