Cette France-là…

Le jaune apporte toujours une lumière et l’on peut dire que, de même,
le bleu amène toujours une ombre.
Goethe, Traité des couleurs.

Bleu contre Jaune


Discours officiel revisité officieusement

Pas de bololo dans mes rangs… Ici, c’est marche ou crève. Je vous chouffe ! La jouez pas fine avec nous. Votre barda vous scie le dos ? Vous rigolez jaune ? C’est la révolte des loufiats? Vous voulez la jouer gros durs ? Écorner notre démocratie qui se dissout comme un sucre dans le pétrole ? Nous n’allons pas baisser la garde et troquer nos costards bleu royal contre vos gilets jaunes. Ils n’ont pas la couleur de l’or, mais celle de la paille de vos misères. Vous n’êtes bons ni à rôtir ni à bouillir. Vous palpez pas derche ? Y’a plus rien à frire dans vos assiettes chaque 10 du mois ? Vos économies vont dans notre poche ? Vous broyez du noir ? Allez-y la bleusaille, continuez comme ça ! Bloquez ronds-points, carrefours et pompes. Nous, on s’en fout. On prend l’avion. Même pour aller jusqu’au Touquet. Nous vous l’expliquons pourtant clairement : « augmenter le prix du carburant, c’est de l’écologie » mais on ne doit pas s’abreuver aux mêmes pompes de l’intelligence. Vous pigez que dalle ! Et vous n’allez jamais jusqu’au bout de vos colères.

Nous patientons. La météo est en marche. Vous allez bientôt vous peler le cul. L’hiver a toujours vaincu les armées de gueux. Bien au chaud, nous gardons le cap. Le Maître de vos galères, et je vous rappelle que vous l’avez voté, entre pour et contre, tient ferme la barre. Comme dit l’autre : « les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent. » C’est vrai, on ne bouffe pas les mêmes rillettes. Que voulez-vous, nous ne sommes pas du même monde ! Vous avez usé vos culottes sur les bancs de l’école de la République. On vous y a enseigné l’obéissance, quand non la soumission. Enfin, les règles nécessaires au contrôle de ceux d’en-bas. Nous autres, nous sortons de celles d’en-haut, celles du Pouvoir. Elles nous formatent à penser pour vous et contre vous. Nous pallions à vos pages blanches, noircies de votre ignorance, en écrivons vos leçons, celles que vous devez apprendre et mettre en pratique, et en contre-partie, nous empochons des pactoles. Que demande le peuple, dirait encore un autre ! Votre avis ne nous intéresse pas. D’ailleurs, vous en changez tout le temps. Quand vous êtes sages, il y a distribution de bons points. Une petite augmentation par çi, une aide sociale par là, un p’tit geste fiscal ici… La vie en rose, quoi ! Certes de temps à autre, vous pouvez sortir du rang. Ne sommes-nous pas les premiers à défendre la liberté d’expression et de manifestation ? Mais que diable ! Marchez dans les clous. Sinon… on va vous faire suer sang et eau. Vous foutre au cul nos pandores et nos Robocop, défourailleurs de lacrymo, danseurs du bâton et du LBD. Enfin, tous nos Jaunes de la République.*

Ne croyez pas que nous sommes bleus de peur. Bons princes, nous nous débridons grand les esgourdes. Nous vous captons 5 sur 5. Nous vous écoutons, nous vous entendons. Notre matière grise carbure plein pot et prend votre mesure. Un joli laboratoire du totalitarisme d’État. La presse d’ailleurs se fait volontiers l’échotier de notre cynique commisération. 

Cessez donc d’agiter donc vos gilets jaunes de miséreux en déshérence. Chercher à comprendre, c’est commencer à désobéir. Nous détesterions finir par rire jaune.

* briseur de grèves

 

© L’Ombre du Regard Ed., Mélanie Talcott – 19/11/2018
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