Gémini, de Marie Fontaine

Un drôle de bouquin… Cynique, mordant, parfois cinglant, un humour noir qui revisite ces pensées interlopes que l’on planque soigneusement sous le tapis de nos hypocrisies. Qui n’a jamais émis le désir fugace de la disparition éclair de son prochain, connu ou inconnu ? Une version assassine du célèbre Casse-toi pauv’con… pour éliminer d’un coup de pensée magique celui qui nous insupporte par son comportement, dérange notre ordre raisonné ou a simplement une gueule qui ne nous revient pas. On est tous des assassins en puissance. Il suffit que les circonstances nous absolvent de toute lâcheté moralisante et l’obscurité tapie en nous devient lumière.

Le héros de Gémini, schizophrène lucide et désenchanté déjanté de l’humanité a reçu au berceau la charge de l’exercice de cette parcelle sombre d’humanité. Il en est l’exécuteur, le prisonnier et la victime. On ne peut lutter contre ce qui nous structure intimement. La pensée étant aussi créatrice de nos basses œuvres, il tue donc radioniquement dès l’enfance tous ceux qui d’une manière ou d’une autre, l’empêchent de respirer à pleins poumons ses rêves à commencer par ses parents qui lui refusent un camion de pompier. Devenu adulte, il fait disparaître, sans laisser le moindre indice qui avouerait son ADN et sa culpabilité, tous ceux qui ont, à ses yeux, ont un comportement inadéquat et trimballent leur obscénité ordinaire drapée dans l’étroitesse haineuse et moralisatrice de leurs frustrations. Tuer l’autre devient pour lui une mesure de salubrité humaniste, à tel point qu’il met un terme aux souffrances des laissés pour compte de cette société qu’il exècre, par une crise cardiaque collective. Ennemi déclaré du monde, il n’est pas pour autant exempt de complexité culpabilisante qui résonne entre l’amour absolu qu’il éprouve pour deux femmes, résumées en une seule, sa propre féminité, seul joker qui pourrait le sauver de lui-même et de sa propre destruction. Mais choisir est aussi toujours renoncer…

Bien écrit, bien rythmé, Gémini de Marie Fontaine est un miroir sans tain qui nous absorbe, nous laissant imaginer une issue à notre mesure. Une belle impasse… où se glisse le spleen quasi baudelairien de l’auteur devant ce monde en pleine capilotade où tout ne dépend que de nous, à commencer par le bonheur. Mais le désire-t-on vraiment ? Être libre a un prix plus élevé que celui de se plaindre…

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