Le cosaque de la rue Garibaldi, Claude Gutman

Un livre simple qui raconte avec tendresse et ironie une histoire comme on en a tous dans nos familles. Ce qui en fait la particularité est sa judéité qu’elle refuse ou cache délibérément par peur qu’elle ne la stigmatise et ne la désigne pour de nouveaux crématoires. Au sein de cette famille, un seul résiste à ce déni collectif orchestré avec l’approbation de tous, un grand-père pouilleux qui s’obstine à ne parler que le yiddish et que son entêtement a rendu imperméable aux autres. Ancien boucher, peut-être a-t-il également été un cosaque, on ne le saura pas, il est l’idiot utile, celui qui fait bouillir la marmite, et le pestiféré de la famille, coupable d’être ce qu’il est comme ce qu’il n’est pas. Ses enfants le méprisent ou l’ignorent, sa femme l’honnit, préfère ses bonnes œuvres et des années durant, a pour un amant le président de l’Amicale Israélite. Le quotidien de la famille bringuebale autour d’évènements que nous connaissons tous, mariages, divorces, ruptures, mensonges, problèmes matériels et anecdotes tristes ou drôles. Lorsque meurt enfin le vieil homme, tous n’ont qu’une hâte, celle de se débarrasser au plus vite de tout ce qui serait susceptible de l’évoquer, comme s’il n’avait jamais existé. La vie du grand-père qui a pour cadre le Montreuil des années 50, est en résonnance avec celle de l’enfant, sommé à l’âge de lui aussi d’oublier ses racines, sa mère qui vit en Israël, le kibboutz où il est né, l’hébreu, son prénom Dany. Hommage d’un petit-fils devenu adulte, Claude Gutman, à un grand-père, Jules Flajszakier, qui reste néanmoins un être évanescent, muré dans ses propres secrets.

Il y a des auteurs qui se contentent d’écrire. On ne sait pas bien pourquoi, d’ailleurs, pour raconter leur histoire, parce qu’ils en ont l’habitude ou en éprouvent une impérieuse nécessité, parce qu’ils ont déjà publié un livre, alors ils en publient deux, trois et plus, se contentant de raconter encore et encore leur « moi », leur histoire de familles et leurs secrets.

Ainsi, Le cosaque de Garibaldi renvoie-t-il étrangement à un autre livre du même auteur, L’enfant qui m’accompagne (publié au seuil, en 2010). Cela m’a donné l’impression de lire une version raccourcie et resucée du même récit, annihilant d’autant l’intérêt de cette ultime narration.

 

© L’Ombre du Regard Ed., Mélanie Talcott  – 29/02/2016
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Extrait
« Seul Grand-Père ne jouait pas les assimilés d’opérette. Il était juif, sans tambour ni trompette. Juif, tout simplement. J’étais à son image. Juif né en Palestine britannique, ni fier ni embarrassé. J’étais loin de me douter que le passé camouflé de ma famille me sauterait à la gueule, que la cendre des camps noircirait en partie ma vie, que leurs peurs, ils me les refileraient en douce, qu’ils parlent ou qu’ils se taisent. J’étais semblable en cela à toute cette génération d’enfants nés après-guerre, biberonnés aux histoires des arrestations, des faux papiers, des caches, des rafles, de Drancy, des départs, des crématoires et au lait Nestlé concentré sucré. »

Le cosaque de la rue Garibaldi
Claude Gutman
Gallimard, 2016
ISBN :2070177904

 

Claude Gutman, Biographie
Né en 1946 en Palestine sous mandat britannique, Claude Gutman est élevé dans un kibboutz. Le divorce de ses parents le conduit en France avec son père. Sa mère demeurera au kibboutz Sdot-Yam (Césarée) qu’il évoquera dans ses ouvrages Il émigre en France avec son père à l’âge de six ans. Il passe alors de maison d’enfants en belles-mères successives, avant d’être recueilli par sa grand-mère. Après des études pour le moins perturbées, cet enfant de mai 68 jusqu’à l’extrême devient professeur de lettres. En 1983, alors qu’il écrit déjà depuis plusieurs années pour les adultes, il se lance un peu par hasard dans la littérature pour enfants. Son premier livre, « Toufdepoil », est un succès. Il quitte l’enseignement en 1988 pour se consacrer à l’édition, parallèlement à son travail d’écrivain.

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