Mensonges, Valérie Zenatti

Un monologue à deux voix, un jeu d’échos entre Aharon Appelfeld, écrivain juif plutôt qu’israélien et Valérie Zenatti, sa traductrice et amie … Deux parcours qui se répondent et se prolongent liés par le mêmes fil d’Ariane, celui d’une judéité blessée, plaie secrète que les mots mettent à nu et que l’écriture, plutôt que la littérature, panse et apaise. Des mensonges qui sont des demi-vérités, des aveux qui se dérobent. Tout est vrai, tout est faux…

Dans Apparence, premier des trois volets de Mensonges, le jeune Erwin, héros du garçon qui voulait dormir, est aussi Appelfeld, enfant traqué par tous ceux pour qui, enfiévrés par la fureur assassine de l’idéologie nazie, un bon juif était un juif mort, que l’on retrouve dans Histoire d’une vie ou dans Tsili, cette petite fille que personne ne voit et qui rappelle celle au manteau rouge dans la Liste de Schindler. Jeu de miroirs où la narratrice devient le témoin et l’acteur d’une vie qui aurait pu, pourtant, être sienne. Mais comme il est dit dans le Talmud, à chaque génération, le monde repose sur trente-six justes. Cette histoire repose sur quelques mensonges.

Pour survivre en des temps meurtriers, il faut apprendre à dissimuler les apparences. Exister en des temps apaisés, où le mépris de la judéité couve toujours comme braises sous la cendre, nécessite d’accepter d’être transparent. Transparence est le second volet ce triptyque. Valérie Zenatti, née de parents sépharades, nous raconte le mensonge pour être comme les autres (Nice 1979). Il lui faut gommer de son vocabulaire le mot juif qui l’inquiète et dont elle découvre qu’il est « terriblement dangereux, voire mortel », à travers le documentaire Holocauste. A l’adolescence, elle part vivre en Israël (Beer-Sheva, 1985). Son ignorance de l’hébreu l’emmure dans un silence, le même auquel s’est affronté à son arrivée en Palestine en 1946, Aharon Appelfeld. Elle y devient muette, tout comme lui fut bègue, avant que les rudiments de l’hébreu, ne lui donne la certitude d’être devenue bête, bête comme la dernière de la classe. Elle ment, s’invente une autre vie, pour être comme les autres, une juive d’origine européenne, car en Israël, avouer des origines orientales expose aux railleries, aux moqueries. Nul n’échappe au racisme… Elle découvre Auschwitz, une émotion qui vous transperce, mais traversée également de la légèreté des touristes. Elle rencontre enfin Aharon Appelfeld, l’écrivain et le grand-père qu’elle aurait aimé avoir. Une réconciliation.

Elle peut enfin écrire. Inventer Silence, l’histoire de deux enfants juifs, Erwin et une petite fille sans nom – qui est peut-être elle – que la forêt des Carpates protègent de la fureur des hommes, dibbouks terribles et assassins, et les conduit là où la mort n’existe pas

De beaux mensonges…

Mensonges, de Valérie Zenatti
ISBN : 9782879297835
Editions de l’Olivier, colleciton Figures Libres, 2011
Valérie Zenatti est née en 1970 à Nice. A treize ans, elle est partie vivre en Israël avec ses parents, dans le désert du Néguev. A dix-huit ans, elle a fait son service militaire, comme tous les garçons et les filles là-bas. Cette expérience a inspiré un livre, « Quand j’étais soldate« (2002), couronné par plusieurs prix et traduit dans différentes langues. De retour en France, elle a été successivement fille au pair, vendeuse, journaliste et professeur d’hébreu. Aujourd’hui, elle vit à Paris où elle partage son temps entre la traduction de l’œuvre d’Aharon Appelfeld (Prix Médicis étranger 2004) et l’écriture de livres pour petits, moyens, grands-petits et moyens-grands (bref, pour tous ceux qui ont entre six et dix-huit ans ou qui se souviennent avoir eu entre six et dix-huit-ans). En 2006, elle publie son premier roman pour adultes, « En retard pour la guerre » aux éditions de l’Olivier.
© L’Ombre du Regard Ed., Mélanie Talcott  – 2011
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