De l’art de gouverner, de Machiavel

Il suffirait de changer un ou deux mots, pour que le philosophe florentin, Nicolas Machiavel, (1469-1527) soit toujours le conseiller de nos princes

De l’art de gouverner... (Le Prince, chap. XVIII)

[…]

Il n’est pas bien nécessaire qu’un prince possède toutes les bonnes qualités, mais il l’est qu’il paraisse les avoir. J’ose même dire que, s’il les avait effectivement, et s’il les montrait toujours dans sa conduite, elles pourraient lui nuire, au lieu qu’il lui est toujours utile d’en avoir l’apparence. Il lui est toujours bon, par exemple, de paraître clément, fidèle, humain, religieux, sincère (…). On doit bien comprendre qu’un prince, et surtout un prince nouveau, (…) est souvent obligé, pour maintenir l’Etat, d’agir contre l’humanité, contre la charité, contre la religion même. Il faut donc qu’il ait l’esprit assez flexible pour se tourner à toutes choses, selon que le vent et les accidents de la fortune le commandent ; il faut que, tant qu’il le peut, il ne s’écarte pas de la voie du bien, mais qu’au besoin il sache entrer dans celle du mal.(…)

Au surplus, dans les actions des hommes et surtout des princes, qui ne peuvent être scrutées devant un tribunal, ce que l’on considère c’est le résultat. Que le prince songe donc uniquement à conserver sa vie et son Etat; s’il y réussit, tous les moyens qu’il aura pris seront jugés honorables et loués par tout le monde; le vulgaire est toujours séduit par l’apparence et par l’événement; et le vulgaire ne fait-il pas le monde ?

[…]

Combien il serait louable chez un prince de tenir sa parole et de vivre avec droiture et non avec ruse, chacun le comprend : toutefois, on voit par expérience, de nos jours, que tels princes ont fait de grandes choses qui de leur parole ont tenu peu compte, et qui ont su par ruse manœuvrer la cervelle des gens ; et à la fin ils ont dominé ceux qui se sont fondés sur la loyauté.

Vous devez donc savoir qu’il y a deux manières de combattre : l’une avec les lois, l’autre avec la force ; la première est propre à l’homme, la seconde est celle des bêtes ; mais comme la première, très souvent, ne suffit pas, il convient de recourir à la seconde. Aussi est-il nécessaire à un prince de savoir bien user de la bête et de l’homme. (…)

Puisque donc un prince est obligé de savoir bien user de la bête, il en doit choisir le renard et le lion ; car le lion ne se défend pas des rêts, le renard ne se défend pas des loups. Ceux qui s’en tiennent simplement au lion n’y entendent rien. Un souverain prudent, par conséquent, ne peut ni ne doit observer sa foi quand une telle observance tournerait contre lui et que sont éteintes les raisons qui le firent promettre. (…) Et jamais un prince n’a manqué de motifs légitimes pour colorer son manque de foi. De cela l’on pourrait donner une infinité d’exemples modernes, et montrer combien de paix, combien de promesses ont été rendues caduques et vaines par l’infidélité des princes : et celui qui a su mieux user du renard est arrivé à meilleure fin.

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