Matéo Maximoff, Fils du Vent et du Verbe… (I)

Matéo Maximoff fut l’un des premiers écrivains Rom en langue française. Je l’ai découvert par hasard en faisant des recherches sur la littérature tsigane. Difficile aujourd’hui de trouver ses livres ! Aussi, je tiens à remercier sa fille, Nouka, sans l’aide de qui cette chronique, constituée de trois volets, ne serait restée qu’une idée…

I . – Casse toi, pov’Rom : publié le 13 juin 2012
Présentation de Matéo Maximoff à travers l’histoire (succinte) des Roms, de leur origine jusqu’au fin XIX°.

II . –Chez nous, les Roms : publié le 20 juin 2012
Approche de la société Rom Kalderash à travers l’œuvre de Matéo Maximoff

III . –Lève la tête, sois un Rom : publié le 27 juin 2012
Le génocide des Tsiganes à travers l’œuvre de Matéo Maximoff

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Casse-toi, pov’Rom

Je ne sais si je le dois au sang de mes ancêtres maternels qui coulent dans mes veines, ceux dont je ne sais rien d’autre si ce n’est qu’une longue émigration commencée au XVII° siècle les a conduit de l’Europe de l’Est jusqu’au Sud de la France où ils ont arrêté leur course au XIX°, faisant de moi une française que l’on qualifie aujourd’hui de souche. Tout ce que je sais est que mon grand-père maternel qui, lui, venait d’un Sud méditerranéen dont j’ignore tout, avec sa peau bistre, ses yeux noirs comme la nuit, son nez aquilin, ses pommettes hautes et saillantes devenait muet d’émotion lorsque pleuraient les violons tsiganes et que depuis toute petite, leur résonance s’inscrit en moi de façon similaire. Tout ce que je sais, c’est que, vendeur ambulant de balais, il assista plus d’une fois au pèlerinage gitan des Saintes Maries de la mer. Tout ce que je sais, c’est qu’à lire Matéo Maximoff, précurseur de la littérature tsigane dont il fut le premier écrivain en langue française, le même souffle m’a de nouveau emportée, me soulevant vers des territoires familiers, comme s’il ne s’agissait que d’une redécouverte de ce qui, peut-être, fut.

Outre que l’un et l’autre apprirent à lire et à écrire sans autre maître qu’une volonté inflexible, curieuse et insatiable,  ils avaient en commun, du moins je le soupçonne, la même foi en la vie, le même appétit de vivre, le même courage, celui-là que l’on juge à tort du fait de sa rareté, hors du commun, un courage tissé de lucidité et imprégné de cette bienveillance généreuse que seule, une longue fréquentation des mauvais coups du sort et des revers douloureux de la vie laisse en héritage à quelques-uns. Ils avaient également en commun le même goût du voyage, sauf que mon grand-père fut un voyageur immobile, les timbres lui pourvoyant des tours du monde imaginaires et que Matéo Maximoff le fut sans doute autant par atavisme que forcé par les circonstances.

Les gens du voyage… Expression sibylline validée par décret en 1972 et qui désigne tous ceux qui s’adonnent à une activité économique ambulante. Autrefois, cette appellation contrôlée concernait les colporteurs, les saltimbanques, les mercenaires, les travailleurs saisonniers, voire même les pèlerins. Aujourd’hui, elle désigne globalement d’une manière plus lapidaire et discriminatoire, les Roms, ceux dont nos sociétés démocratiques, à l’égal de leurs consœurs d’hier plus despotiques, ne savent que faire, ceux qui ont le droit de circuler mais pas celui de s’arrêter et dont la liberté qu’on leur suppose par fantasme est bornée par l’exclusion, l’inclusion ou la réclusion, en d’autres mots, par la négation, l’assimilation ou le ghettoïsation. Pour beaucoup qui ne donnent pas dans la nuance historique, Roms signifie Roumanie et c’est avec une promptitude revancharde et indécente, tant elle est sûre de son bon droit, qu’ils les renvoient là, où pensent-ils, ils sont tous originaires. La plupart des gens qui ne connaissent pas les Tsiganes les confondent tous, que ce soit Tsigane, Gitans, Romanichels, Bohémiens ou Gypsies, ils les appellent communément les Gitans. Certes, il n’est pas facile pour un non initié de les distinguer…. Mais les Tsiganes portent des noms slaves ou balkaniques, les Gitans (ou Kalés catalans ou andalous) de noms ibériques, les Bohémiens (les Manouches ou Sinti) des noms français, les Romanichels des noms germaniques et les Gypsies des noms anglais.  Physiquement, il est facile de distinguer un Gitan, brun, d’un Tzigane, bronzé, ou d’un Romanichel, blond, précise Matéo Maximoff dans La septième fille.1 Aux Roms, aux Sintis et aux Gitans, il faut également ajouter un quatrième groupe, celui des Yénishs, des voyageurs non-Tsiganes de souche européenne qui seraient les descendants d’hommes et de femmes rejetés par la société ou forcés à l’exil par les évènements (guerres, famines, désertion…). Ils furent tout aussi persécutés que leurs frères tsiganes. C’est ainsi que de 1926 à 1973, en Suisse, une organisation subventionnée par des fonds public procéda au retrait systématique des enfants yénishs (environ 600) à leurs parents pour les placer soit dans des familles ou des foyers d’accueil, soit dans des établissements psychiatriques ou des pénitenciers. On leur interdisait de parler leur langue et pour simplifier les choses, on leur racontait que leurs parents étaient morts.2

Nombre de controverses dues autant à l’impossibilité de remonter à des sources documentaires tangibles qu’à des spéculations épousant parfois les préjugés de chacun renvoient l’origine de ces peuples à l’Inde, sans vraiment s’accorder s’il s’agit de celle du Nord ou de celle du Sud. Lire Matéo Maximoff permet d’en éclaircir le périple sans pour autant être à la lecture de son œuvre, certains de son empreinte.

Dans la préface de La Poupée de Mameliga, recueils de récits dont le fantastique ne déroge en rien sa place à la réalité de l’expérience vécue, il nous en trace un chemin. Quelques trois mille ans avant Jésus-Christ, un peuple nomade, les Djats, artisans qui excellaient dans le travail des métaux précieux ou non, excellents acrobates, maîtres dans l’art du hatha-yoga et parfaits connaisseurs de l’anatomie humaine, vivaient sur les bords de l’Indus. Plus tard et dans des circonstances obscures, ils s’expatrièrent, au temps des Sassanides, à Babylone puis, à l’époque des Omeyyades, dans les régions du Bas-tigre. De fait, leur exil forcé avait déjà commencé suite à une résistance ouverte contre un khalife abbasside. Les Zott, comme les appelaient alors les Arabes, n’eurent la vie sauve qu’à condition d’être conduits sous bonne escorte à Bagdad et dispersés dans divers lieux de l’Empire Byzantin et de l’Asie Mineure. C’est de ces Zott ou Djat que les Tsiganes européens tireraient leur origine.3 De là, selon ce que nous conte Maximoff, certains partirent pour la Crète, avant de se répandre dans tous les Balkans, d’autres traversèrent la Mer Rouge pour s’installer en Égypte, puis ensuite en Afrique du Nord et en Italie. Ceux qui arrivèrent jusqu’en Espagne furent les ancêtres des Gitans. D’autres s’installèrent dans le Nord de l’Asie où ils prirent le nom de Kara (noir)-Louli et enfin, un groupe dont on n’a perdu la trace, aurait été jusqu’au Japon et les îles du Pacifique. Quelques siècles plus tard, on retrouve en Perse ces Djats. Ils sont musiciens, ce sont les Louri que le roi persan, Bahrâm Djour, tel le raconte le poète Firdawsi, fit venir d’Inde. Le roi de l’Inde lui en expédia 12 000

Tous ces groupes, nous dit Maximoff, ne formaient finalement qu’un petit peuple que l’on connait sous des noms divers… En Europe, ils ont peu à peu disparu et y sont revenus au IV° siècle à la suite des hordes de Huns, commandées par Attila. Quand les Huns se retirèrent, eux restèrent et il est probable que les Tsiganes de Hongrie sont leurs descendants.4

En l’an 500, ils sont en Espagne. Ce sont les Egipcianos qui deviendront los Gitanos. Une seconde vague d’émigration démarre de l’Inde vers 712 en direction du désert de Gobi. Le nom de Loulis se répandra alors dans toute l’Asie. Cinq siècles plus tard, les Loulis, tout comme les juifs russes et polonais, suivront les armées de Gengis-Khan. Lorsque le conquérant mongol rebrousse chemin, les Loulis restent en Europe et bon nombre d’entre eux sera pourchassé et tué par les hommes blancs d’alors pour qui Mongols et Loulis n’étaient guère différents.

En 1322, continue Matéo Maximoff, un groupe important demande asile au monastère du Mont Athos. Celui qui les conduit, un vieillard plus que centenaire, répond au nom d’Atziganis, nom qui sera désormais donné à tous les nomades qui se rendent en Europe. L’étymologie du mot Atziganis serait à rechercher dans le mot Athinganos, celui que ne veut ni toucher ni être touché, sous peine de devenir, – comme nous l’apprend, Matéo Maximoff – Marimé, souillé, et donc rejeté par toute la communauté, un pestiféré à qui l’on ne parle plus et que l’on ne reçoit plus.  En Europe Orientale, le mot Athinganos prendra la consonance de Cingani, en Italie Zingari et en Allemagne, Ziguener, mot de triste résonance s’il en est.

Au XV° siècle, ils sont plusieurs milliers à parcourir l’Europe en petits groupes. Égyptiens, Sarrasins, Biscayens, Cascarots et Mirifiches en France, ou Boumiens et Caraques en Provence, Gitans en Espagne, au Portugal et dans le Sud de la France, Farac en Hongrie, Gypsies en Angleterre …  Jusque là, relativement bien accueillis par les diverses populations de toutes les contrées du monde qu’ils traversent, les Tsiganes vont peu à peu être victimes du racisme que l’Église dans sa grande tolérance œcuménique, va patiemment inculquer à ses ouailles. En 1427, l’archevêque de Paris, Jacques du Chastelier, excommunia illico presto une bonne vingtaine d’entre eux qui vivaient à la Chapelle Saint-Denis, les accusant de vols et de sorcellerie, ainsi que tous ceux qui se faisaient dire la bonne aventure. Victor Hugo s’inspirera de cet évènement pour écrire Notre Dame de Paris et créer le personnage idéalisé de la Bohémienne Esméralda.

En Hollande et en Suisse, durant des siècles ils seront des Idoines (Heiden), des païens, tous voleurs, toutes sorcières que l’on pouvait capturer, torturer ou marquer au fer rouge, avant de les expulser. Si on les reprenait une seconde fois, pas de quartier, on les pendait, rouait de coups à mort ou on les décapitait. Suite à une séance de la Diète à Baden en 1574 et sur les conseils du délégué du canton de Schwytz (Suisse), l’autorité fédérale stipula que c’était à chaque canton, de faire en sorte qu’ils soient définitivement éliminés. En 1560, l’archevêque suédois Pétri refuse de les baptiser et de les enterrer. Bien que certains soient convertis au christianisme, les Tsiganes restent aux yeux de l’Église, des individus diaboliques, d’autant plus qu’ils lui font une concurrence certaine avec leur art divinatoire et la pratique de la magie. L’Église se chargea donc de les démoniser par une propagande grossière, propre à  frapper facilement les esprits crédules. Tour à tour descendants de Caïn que Dieu aurait condamné à une éternelle errance, ou punis pour ne pas avoir accueilli la Sainte Famille lors de sa fuite en Égypte, ils auraient selon la rumeur espagnole, volé les langes du Christ ou forgé les clous de la croix de Jésus. Une jeune Tzigane prise de pitié en aurait volé un, obligeant les bourreaux du prophète à le crucifier avec seulement trois clous. Pour les Irlandais et les Grecs, ils auraient même planté le dernier. Au siècle des Lumières, une théorie les assimila aux Juifs que l’on rendit responsables de la peste de 1348 et qui pour échapper aux persécutions, se seraient cachés dans des grottes avant de réapparaître cinquante ans plus tard, la peau noircie par cette obscurité prolongée, et de se faire passer pour des pèlerins d’Égypte. On les accusera alors de propager toutes les épidémies, et tout comme les Juifs, de voler et de manger les enfants.

Mais à la différence des Juifs que leurs détracteurs haïssent toujours pour des raisons précises avec lesquels ils se chargent de fomenter des pogroms et d’attiser le génie de la persécution, hier comme aujourd’hui, les Tsiganes sont un peuple que l’on a simplement cherché, non sans certain succès,  à  nier.  En 1554, en Angleterre, le seul fait d’être Tzigane est puni de mort, on peut les battre, les pendre, les marquer comme du bétail, les envoyer aux galères, – ce que nos bons rois de France, Louis XII et Louis XIV (1647) ne manqueront pas de faire -, sans être inquiété puisque la loi l’autorise et bien sûr, violer les femmes et les envoyer remplir les bordels à soldats – dont les Tsiganes eux-mêmes grossissent de force les rangs -, ou encore les déporter vers les colonies des Caraïbes ou d’Afrique. En Allemagne, à la même époque, un gitan mort ou vif vaut son pesant de monnaie sonnante et trébuchante, il est même un gibier de chasse. Durant des siècles, les Tsiganes furent ainsi les Nègres Blancs de l’Europe… Ainsi que l’écrit Maximoff dans Dites-le avec des pleurs : Les Roms ne font pas l’Histoire, ils la subissent et la supportent. Le plus souvent, ils sont victimes d’évènements qui leur sont complètement étrangers.5

Les Roms, communauté à laquelle appartenait Matéo Maximoff, s’installèrent principalement dans les Balkans. Au début du XVI° siècle à leur arrivée en Moldavie et en Valachie, principautés qui en 1859 seront réunies au sein d’un même état roumain, ils furent réduits en esclavage. L’Histoire déjà nous jouait la pratique inéluctable et moralisante de la délocalisation, quoique celle-ci, dans ce cas, restât intramuros. Le développement économique de l’Empire ottoman s’accompagna d’obligations et de taxes de plus en plus lourdes vis-à-vis des principautés moldave et valaque. La crise était patente, les artisans étrangers ne voulaient plus y investir et exportaient prudemment leurs capitaux et leur savoir-faire vers d’autres horizons, plus attractifs. Le personnel qualifié dans le travail des métaux, où les Tsiganes excellaient, de la confection d’outils en fer, aux clous et aux fers à cheval jusqu’aux armes et armures, se faisait de plus en plus rare. Quoi de plus naturel, semble-t-il déjà, que de recruter une main d’œuvre abondante dont la force de travail gratuite se révéla fort juteuse pour les capitalistes de l’époque, en tête le prince régnant, suivi des boyards et des puissants monastères. Cet esclavage durera 500 ans et bien que la plupart l’ignore ou le nie, il fait partie de l’histoire européenne.

A l’instar du Code Noir, il exista un Code Tsigane. En 1818, dans le code pénal de Muténie, il est stipulé – entre autres –  que : Les Tsiganes naissent esclaves  / tout enfant né d’une mère Tsigane est un esclave / tout propriétaire a le droit de vendre ou de donner ses esclaves / tout Tsigane sans propriétaire est la propriété du Prince. Droit de vie, droit de mort et droit de cuissage… On pouvait donc comme pour n’importe quelle autre marchandise, les donner, les échanger et les vendre et l’Église, trader sans scrupules du denier du culte, eut l’idée géniale devant Dieu et les hommes de prendre leur poids comme mesure étalon de leur prix. Du nourrisson au vieillard, un kilo de chair tzigane se monnayait deux pièces d’or. En outre, chaque Tzigane, bien qu’il fût esclave, devait payer diverses taxes à l’État, au Prince et aux Boyards (aristocrates grands propriétaires terriens).

Les esclaves du Prince régnant formaient le groupe des Tsiganes domnesti, au rang desquels se comptaient les Aurari (orpailleurs) et les Rudari (mineurs) qui lavaient l’or des rivières, appelés en Transylvanie les Baesi. Lui appartenaient également les Ursari (dompteurs d’ours qui fabriquaient couteaux, haches et serrures), les Lingurari (fabricants de cuillères et d’ustensiles ménagers en bois). Venaient ensuite les Tsiganes casai ou de Cour et les Tsiganes de Ogor ou des champs, les esclaves des boyards ou des monastères. Il y eut bien des rébellions sans victoire au cours desquelles des dizaines de Tziganes, que l’on appela les Netoci, se réfugièrent dans les montagnes. Condamnés à mort par contumace, ils n’avaient d’autre solution pour survivre que de s’attaquer aux voyageurs qu’ils tuaient parfois et de piller, voire de brûler, les fermes isolées. Cette situation perdura jusqu’en 1855 où l’esclavage fut définitivement aboli, sous l’impulsion de Mihail Kogalniceanu, écrivain et homme politique moldave, sur tous les territoires de Roumanie.

Les Roms se séparèrent alors en deux groupes, les nomades et les sédentaires, au sein de tribus, les Vatrachis, commandées par des chefs, les Vatafs. Les sédentaires s’installèrent sur les pourtours des grandes villes, grossissant ainsi l’empire des pauvres où croupissent tous les malheureux du pays. Matéo Maximoff vécut quelque temps  dans l’une des plus importantes d’Europe. Elle ceinturait Paris, commençait à la porte d’Asnières et, par les portes de Clignancourt (à l’emplacement actuel du Marché aux Puces), de la Villette, de Pantin, des Lilas, de Bagnolet, de Montreuil, de Choisy et d’Italie, allait jusqu’à la porte de Gentilly. Une ville dans la ville, où tout s’achetait et se vendait, le plus souvent à la sauvette, et où il y avait un peu de tout,6 même un cinéma mobile, géré par les Manouches.

Les Roms, tronc central de « l’arbre généalogique » des Tsiganes de par leur nombre et de par leur langue, le romanès, qui a résisté à toutes les intempéries des siècles, se distinguent les uns des autres soit en donnant à leur tribus des noms rappelant leur provenance (Krékuri – Grèce ; Moldovaya – Moldavie ; Matchouaya – Macédonie), soit évoquant leur activité professionnelle.  Parmi les sédentaires, on trouvait :

–    les Ursari ou Boyhas qui, comme nous l’avons vu, étaient dompteurs d’ours et fabriquaient de peignes en cordes, des crochets de boucherie ou encore des cordes,
–    les Sastraria, les forgerons, qui travaillaient le fer et au temps des chevaux, faisaient office de maréchal ferrant,
–    les Anatory, de religion musulmane, qui étaient étameurs,
–    les Kastary qui travaillaient le bois, fabriquant fourches et auges, quenouilles et fuseaux, vaisselles en bois, balais et tonneaux,
–    les Tchouraria, fabricants de tamis et excellents maquignons,
–    les Tayaria, serruriers qui fabriquaient également des barreaux de fer pour les grilles et des clefs,
–    les Laoutary, musiciens

et enfin,

– les Kalderash,  chaudronniers appelés ainsi à cause de la marmite qu’ils portaient sur le dos en criant : Kaldera ! Kaldera… – (mot qui a subsisté en espagnol, caldera, avec la même signification) – Au début ils ne réparaient que des objets en cuivre. Ils se sont ensuite adaptés à la vie moderne et ont travaillé d’autres métaux : le fer, l’acier, l’aluminium, etc. Ils pratiquaient également l’affûtage des couteaux et plus récemment, la dorure et l’argenterie. Avant la première guerre Mondiale et avant que l’automobile n’ait remplacé le cheval, ils exerçaient souvent le métier de maquignon. Musiciens, chanteurs et danseurs, ils l’étaient aussi avant l’apparition des médias modernes tels la radio et la télévision. Chaque homme possédait sa troupe, chaque ville, son cabaret, sans oublier le cirque.7

Matéo Maximoff était un Rom Kalderash. Il naquit à Barcelone en 1917, d’un père russe, Lolia, et d’une mère manouche de France, Elisa- beth, d’origine polonaise. Orphelin de mère à huit ans et de père à quatorze ans, la vie ne lui fut jamais facile, pas plus qu’elle ne le fut pour ses ancêtres.  De fait, après l’abo-lition de l’esclavage, ceux qui choisi- rent de rester nomades, dont son arrière grand-père, décidèrent, pour la plupart, d’aller en Russie où ils s’unirent à d’autres Roms qui n’avaient pas connu l’esclavage ou s’en étaient libérés par la force : les Miyeyetsi, négociants et les Yonesti,  eux-mêmes chaudronniers, chanteurs, danseurs et musiciens. Son grand-père devint leur chef en 1910, à la mort de son propre père né en 1810, un géant de 2m 10 qui au moment de décliner son état civil auprès des autorités russes, se déclara comme étant Yono, fils de Yono… Son nom fut fruit de son inspiration, Maximoff, le plus grand…

Notes
1.- La septième fille, p.103.
2. – Rroms, Sintis et Yéniches – La politique tsigane suisse à l’époque du national-socialisme de Thomas Huonker et Regula Ludi, Editions Page Deux, 2005, p. 127.
http://doc.rero.ch/lm.php?url=1000,41,22,20120521161719-QW/TB_Petter_Vinciane.pdf
3.- Mémoire sur les migrations des Tsiganes à travers l’Asie, M.J. De Goeje, 1903.
4.– La poupée de Mameliga, préface.
5.- Dites-le avec des pleurs, p.69.
6.- Ibid., p.77.
7.- La poupée de Mameliga, p.17;
8.- Dites-le avec des pleurs, p.38.
On peut consulter sur Google Books :
Histoire de la Valachie, de la Moldavie et des Valaques transdanubiens, de Mihaïl Kogălniceanu,
Esquisse sur l’histoire : les mœurs et la langue des Cigains, du même auteur.
La Romanie ou histoire, langue, littérature, orographie, statistique des peuples de la langue d’or, Ardialiens, Vallaques et Moldaves, 1961, de Jean Alexandre Vaillant. – Né en 1804, il arrive à Bucarest en automne 1829, engagé comme précepteur dans une famille de boyards. Ce jeune enseignant franc-maçon participe de près à une vie politique locale en pleine ébullition en raison du combat pour l’indépendance. Accusé de complot, il est bientôt expulsé de Valachie et rentre à Paris où il se fait historien et défenseur de la langue et des libertés roumaines. Il commence par publier une grammaire de la langue roumaine, puis un vocabulaire. Il invente au passage l’adjectif roumân qui annonce la victoire proche du terme «roumain» sur le mot «moldo-valaque» en vigueur jusqu’alors. Vaillant qui avait constaté en Valachie et en Moldavie la misère sociale engendrée par le maintien des Roms en esclavage décide de partir en guerre contre ce fléau et publie en 1857, Les Rômes, histoire vraie des vrais Bohémiens.

Sur les origines des Bohémiens on Tsiganes, de M. P. Bataillard
Mémoire sur les migrations des Tsiganes à travers L’Asie, 1908, de Michael Goeje

 

© L’Ombre du Regard Ed., Mélanie Talcott  – 13/06/2012

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5 Comments

  1. juste un question pour ma curiosité , moi qui ai eu du mal avec mon Métissage Père Sinto et Mère gadji Franco/espagnole , si Météo a un Père Russe ,il n’était donc kaldérash que du coté maternel ? ou bien son père était un Kaldérash avec nationalité Russe ? alors dans le cas de la première figure « Métissage » comment s’est passé sa reconnaissance totale avec le Monde Tsigane , manouche ?

    bonjour à Nouka la conteuse « gardienne de la mémoire « 

    1. Bonjour Doudou, bonjour à tous les autres.
      Mon père Matéo était effectivement Rom Kalderash de Russie du côté paternel et Manouche de France par sa mère. Le côté Rom Kalderash fut cependant prédominant tout au long de savie car, comme le veut la coutume, sa mère manouche a été intégrée dans sa famille Rom, la famille de son père. Ayant perdu ses parents très jeune – il avait 8 ans à la mort de sa mère, 14 ans à la mort de son père, il fut pratiquement élevé par ses tantes et sa grand-mère paternelles et n’a vécu que peu de temps, juste avant guerre avec sa famille manouche.
      Sa conversion au pentecôtisme au début des années 60 l’ont automatiquement rapproché de ses frères Manouches qui étaitent à l’origine de ce mouvement religieux en France.
      Par son charisme universel, il reste une grande figure dans les mémoires dans tous les milieux, religieux ou non, littéraires ou non, chez les Roms, les Manouches, les Gitans et les gadjés.
      Je suis très fière de l’héritage que m’a légué mon père et le fait d’être métisse (ma mère était une gadji) me confére, je crois, une liberté et une indépendance d’esprit que je n’aurais peut-être pas sans ce sentiment d’universalité.

  2. Bonjour Doudou
    Merci pour votre commentaire et votre intérêt.
    Pour répondre à votre question, Matéo Maximoff est né en 1917 à Barcelone d’un père Rom Kalderash (Grégoire Maximoff dit Lolia) venu de Russie (branche paternelle et maternelle officiellement de « nationalité » russe par l’arrière-grand-père au moment de se déclarer à l’état-civil) – où ses aïeuls étaient chaudronniers – et d’une mère Manouche de France.
    Quant à sa reconnaissance par le monde Manouche, je ne puis vous répondre, si ce n’est qu’en tant qu’homme, il a su se faire aimer et apprécier de par ses qualités par-delà sa propre communauté. Je pense que sa fille Nouka serait capable de répondre pleinement à votre question , cordialement, Mélanie.

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