Alzheimer… Même toi, on t’oubliera

La folie est le rêve d’un seul. La raison est sans doute la folie de tous
André Suarès

Quatrième de couverture

« Transmettre est l’un de nos devoirs terrestres, un passage obligé, une porte entre les mondes. »

Norma a consacré une grande partie de sa vie à soigner les autres, jusqu’ au jour où elle bascule sans crier gare de l’autre côté du miroir. A son tour malade, victime d’Alzheimer, elle commence une nouvelle vie à l’autre bout du monde, volontairement coupée des siens. Léa est sa petite-fille. Longtemps, la jeune fille se posera des questions sur la disparition étrange de sa grand-mère. Il lui faudra attendre la fin de vie de son grand-père pour avoir enfin ses réponses. Le vieil homme lui remet à ce moment une longue lettre de Norma, adressée à Léa, écrite aux prémices de la maladie.

Entre les deux femmes se tisse alors une conversation spirituelle qui les rapproche et leur donne l’occasion de se découvrir l’une l’autre, de découvrir également certaines réalités de notre monde, par-delà la mort et la folie inhérente à Alzheimer.

Extrait

À Léa… Pour ma petite-fille que je ne connaîtrai pas femme, mais dont je devine néanmoins ce qu’elle deviendra.
 
Le 3 juin 2010 et quelques dizaines de poussières d’étoiles
 
Je t’écris, je te parle. Plus tard, dans quelques années peut-être, tu liras ces mots. Je ne serai plus là, je serai quelque part. Depuis combien de temps ? Je l’ignore, mais sûrement en paix, du moins est-ce ainsi que je me figure l’éternité. Une très longue paix. Le temps en état de mort cérébrale. Néanmoins si la vie s’achève immanquablement de la même manière pour tous, elle est la seule véritable bataille que nous ayons à livrer, bien qu’il ne serve à rien d’en escompter les victoires et les défaites. Elle est une étincelle dans l’infini de l’univers où sans cesse, elle allume d’autres feux. Nous sommes toujours les braises de ceux qui nous précèdent et nous suivent, bien que nous en ignorions tout ou presque. C’est sans doute pour cela que j’éprouve la nécessité aujourd’hui de t’écrire, à toi qui n’es encore qu’une toute jeune fille, avec l’espoir que ce que tu es se noue avec ce que je fus. Pourquoi ce souhait ? Je n’en sais rien. Peut-être parce que les cimetières sont remplis de vies non lues et que celle-ci me presse.

On a beau en rire, on a beau ne pas y croire et pourtant parfois, à force de répéter certains mots, ils finissent par épouser la chair et s’y ancrer. On me disait souvent que j’étais ailleurs, par trop distraite, que je n’écoutais pas, que j’oubliais avec un bel aplomb ce qui venait de m’être dit. On me chambrait, m’appelant Alzheimer. La mise en garde suprême contre le danger qui guette tous les rêveurs… Celui-ci a fini par les entendre. C’est pourquoi je t’écris avant que tout file en quenouille, avec cette étrangeté de me demander si parfois les testaments ne sont pas autre chose que de funestes prémonitions. Pendant ce temps-là, une femme que je connais, une mauvaise viande comme dit Nan, dont elle est la patiente, joue depuis trois mois à qui perd gagne avec la fin de ses nuits dans les draps froissés d’un lit d’hôpital en épuisant méchamment tous ceux qui veillent sur elle dans l’accompagnement de sa dernière odyssée volontaire. Car elle l’a décidé, la vie se refusant de se plier à son vouloir manipulateur et par-dessus tout à son égoïsme crasse, elle se laisse crever, n’ayant pas le courage de se flinguer par tiédeur judéo-chrétienne. Mais jusqu’à son dernier soupir et comme elle l’a fait toute sa vie durant, elle s’acharne à tout contrôler afin que rien ni personne ne lui échappe. Elle veut s’entendre prononcer le mot fin, le clap final, silence, je meurs… silence, ça tourne… Vaincre la Camarde, la mettre à sa botte est son ultime challenge. Elle en ricane de jouissance et peu soucieuse de ne laisser derrière elle qu’une fureur salope, elle aura certainement son happy end. Cette femme, Léa, appartient aux êtres dont on souhaite ardemment qu’ils débarrassent radicalement le plancher, tant ils contaminent et empoisonnent de leurs basses œuvres la plupart de ceux qui les approchent ! Les chemins de notre intimité sont ainsi souvent peuplés de cadavres interlopes, même celui de Dieu parfois ! La réalité est une distorsion de la fiction.

Comme l’a si bien dit André Suarès, avant que la manipulation écrivassière et publique retourne ses mots dans tous les sens pour leur en coller un autre, la folie est le rêve d’un seul. La raison est sans doute la folie de tous.

Hier, j’ai appris le nom de mon rêve et de ma folie naissante, Alzheimer.

Pour en savoir plus : Les livres de Mélanie Talcott

En vente ICI

 

Alzheimer… Même toi, on t’oubliera, Mélanie Talcott
ISBN : 979-10-90624-02-3
© 2015. –  L’Ombre du Regard

Loading

Lisez et partagez avec bienveillance

Leave a Comment

error: Content is protected !!