« Notre dieu est grand et l’argent est son prophète.
Pour ses sacrifices, nous dévastons la nature entière.
Nous nous vantons d’avoir conquis la matière
et nous oublions que c’est la matière qui a fait de nous ses esclaves. »
Le Livre du Thé (1976), Okakura Kakuzo
— La masse volumique du dioxyde de carbone est donc…
Elle plissa le front, me regarda hésitante, les doigts tapotant sur la calculatrice de son smartphone.
Mon dieu, comment est-ce possible d’apprendre des choses aussi chiantes à une gosse de treize ans.
Depuis plus d’un mois, à cause du Connard-virus comme nous l’avions surnommé, je l’aidais dans sa téléportation éducative. Des textes de français inintéressants au possible aux arts plastiques, en passant par le sport où le prof lui donnait comme exercice de s’imaginer entraîneur de foot et de lui proposer une stratégie, jusqu’à ses leçons de physique-chimie qui se résumaient à une longue liste de devoirs, appuyés par des résumés explicatifs plus qu’approximatifs. Pas de quoi titiller le goût d’apprendre chez cette môme, pourtant bonne élève, pour qui étudier était une corvée à laquelle elle ne pouvait échapper. Elle faisait donc le minimum, à savoir faire fonctionner sa mémoire plutôt que son esprit d’analyse et de critique et son intelligence, très alerte.
De la masse volumique, on passa à la densité moléculaire dudit gaz sous l’influence de la pression et de la température, problème qui se concrétisa par la question de la vitesse du mouvement des molécules.
— C’est quoi, pour toi, une molécule ?
— J’en sais rien… Ce prof nous explique jamais rien !
— Une molécule est un assemblage de plusieurs atomes, dans ce cas deux oxygène pour un carbone. En un mot, Chloé, c’est ce qui forme la matière. Ton gaz est volatil. A ton avis, ses molécules, toutes les mêmes, vont bouger plus vite ou moins vite que celles qui forment cette table ? Pour t’aider, pense à un wagon de métro à une heure de pointe.
Son visage s’éclaira, elle sourit.
— Ben… s’il est volatil, ça veut dire que les liens entre les molécules sont plus lâches. Il y a plus de place que dans le métro, donc elles bougent plus vite.
— Tu as tout compris ! Un conseil… Quand ce que l’on te demande te semble être du chinois comme l’on dit, projette-toi dans la réalité. Cherche un exemple concret. Tu vois la table là ? Dis-je en posant mes doigts sur l’un de ses coins. Ce tout petit morceau ici a la même densité que l’ensemble. Si tu avais la possibilité de pénétrer sa matière, tu verrais que l’agencement de ses molécules et leur mouvement est partout le même. Sais-tu ce qu’est un hologramme ?
Je m’arrêtais. Je ne suis pas très douée pour la pédagogie consensuelle. Il vient toujours un moment où je me barre dans des explications qui n’ont rien à voir avec le sujet. Mais Chloé n’est pas n’importe qui. C’est ma petite fille confinée. Le connard-virus la privait de ses copains-copines contre un tsunami de devoirs hebdomadaires, à tel point qu’elle y passait plus de temps qu’au collège.
— Un holo… quoi ?
— Hologramme. C’est une technique qui à partir d’un fragment permet de reconstituer l’ensemble via une image 3D. Imagine qu’à partir de ton petit doigt, on puisse visualiser la Chloé actuelle. Toi qui est fan des experts du Crime Scene Investigation des séries policières américaines, ça doit te parler, non ?
— Oui, mais je vois pas trop où tu veux en venir.
— Ce que j’essaie de t’expliquer est que l’infiniment petit contient en lui-même l’infiniment grand. Tout est dans tout. C’est le petit Yin dans le grand Yang de la tradition chinoise et réciproquement. La matière et le mouvement. L’une n’existe pas sans l’autre.
— Ah ouais… comme quand on dit qu’il suffit d’un grain de sable pour gripper celui d’un moteur.
— Exactement. Mais n’oublie pas que ce n’est pas obligatoirement pour de mauvaises raisons.
— Que veux-tu dire ?
— Puisque la situation s’y prête en ce moment, le Connard-virus va nous servir d’exemple.
— Covid-19… Un nom d’agent secret. Il me fait penser à Skyfall et à Daniel Craig. J’ai kiffé ce film.
— Effondrement du ciel… Pas mal trouvé. Quant à Daniel Craig, c’est toi qui voit, ma puce. Toujours est-il que ce petit point de matière, parfaitement invisible, dont personne ne sait d’où il vient précisément, ni ce qui détermine son expression tant elle varie selon qu’il pose son bagage ici ou là, suit son bonhomme de chemin sans état d’âme. Là où je passe, l’herbe ne repousse pas. Ces mots que l’on attribue à Attila, pourraient très bien être ceux de notre virus, tout comme l’est pour certains le surnom de Fléau de Dieu donné à ce chef de guerre et au Covid-19.
— En tout cas, il nous a tous flanqué aux arrêts, avec un mot que je ne connaissais même pas : confinement, et que je n’oublierais pas de sitôt ! Tu sais ce que m’a dit Arizona l’autre jour en voyant le postier dans sa voiture. Et elle a quatre ans ! « il travaille, il est pas en confinement ? Il obéit pas à Macron. » Elle m’a sciée ! Avec mes copines, on est super vénères. On n’en peut plus de tourner en rond et de parler au téléphone. Mon amie Anna, elle va péter un câble et moi aussi. Plus d’un mois, sans se voir en vrai…
— Bah, ça ne va pas durer éternellement, sinon comme tu dis, je vais finir moi aussi par péter un câble avec Papi Taxi qui est coincé en confinement dans un petit village à plus de mille kilomètres d’ici sans d’autre moyen de communications que le téléphone ! Putain de virus ! Ses petits brins d’ARN s’agitent et le voilà qu’il te fout un branle-bas de combat du tonnerre de Dieu d’un continent à l’autre. On s’arme. La science avec ses microscopes, le politique avec ses discours d’un rassurant foireux, l’économie qui scrute anxieusement ses bourses qui se fripent d’impotence, la prostate en berne, les actionnaires qui comptent les biffetons de leurs dividendes, et les peuples qui, eux, se calfeutrent en priant Dieu, Allah, Bouddha ou un ersatz spirituel quelconque que le Covid-19 ne vienne pas s’essuyer les pieds sur leur paillasson. T’as vu le Pape tout seul, tout blanc bénir les statues de la Place Saint-Pierre ? On se serait cru au Moyen-Age. C’est ce que j’ai pensé, en tout cas ! Urbi et Orbi, loin de nous… Virage du Mal comme l’annonce en grandes lettres la couverture de Paris Match. Un tout petit Yin viral qui jette le grand Yang, le nôtre, très humain celui-là, dans un mouvement planétaire désordonné. Vu ainsi, apparemment, c’est pas le pied !
— Pourquoi apparemment ?
— Attends, je te sers un verre de menthe, je me fais un café et je t’explique le délire que j’ai eu cette nuit. Je n’arrivais pas à dormir et ras le bol de dialoguer avec les murs. Sais-tu ce qu’est un virus ?
— Pas vraiment, non. Mais je me suis demandée comment un si petit truc pouvait à lui tout seul tout casser ? Moi, ça me rappelle l’histoire du Titanic que tu m’as raconté et de l’iceberg que personne n’a vu venir. J’sais même pas ce que c’est un virus, mais je me souviendrais sans doute toute ma vie du nom de celui-là ! Explique-moi. C’est trop cool d’avoir une grand-mère comme toi. Aucune de mes amies n’a cette chance. T’es la seule que je connaisse ainsi qui prend la peine de discuter avec moi de sujet complexes et graves et se fout de mon âge.
— Avec prudence tout de même, Chloé… Avec prudence. Un virus… Pour certains biologistes, ce n’est pas un être vivant, mais une association structurelle de molécules biologiques sans autonomie biochimique, c’est-à dire qu’il n’est pas fichu de se débrouiller tout seul. D’autres affirment le contraire ou jugent la question sans grand intérêt, sinon peut-être philosophique. Mais tous s’accordent sur un point : il est un moteur de notre évolution. Il a des millions d’années dans les pattes, il était là avant nous et le sera sans doute après, si un jour, l’humanité disparaît. Cela dit, ils ne sont pas tous néfastes pour l’homme. Ton organisme en abrite trois mille milliards de virus, dits bactériophages. Ils sont les éboueurs de ton écosystème interne.
— Ça veut dire qu’il ne sait pas se débrouiller tout seul ?
— Il lui faut pour survivre une cellule hôte bien vivante qu’il parasite, bactérie, cellules végétales, animales ou humaines, sinon il crève. De fait, un virus est incapable de puiser dans son environnement l’énergie nécessaire à son bon fonctionnement. Il détourne donc à son profit la machinerie cellulaire de sa logeuse, en lui injectant son patrimoine génétique – un peu comme le ferait une seringue – pour en prendre le contrôle et l’infecter afin qu’elle produise des milliers de copies du génome viral.
— Génome, c’est la même chose que patrimoine génétique ?
— Oui. C’est ce qui lui donne sa spécificité, la même qui fait que tu es grande, mince, avec un corps de liane – un canon comme dit ta mère – en plus d’avoir oublié d’être bête.
Chloé sourit, puis se tassa légèrement sur elle-même, poings fermés et bras croisés contre son ventre, position qu’elle prenait quand elle réfléchissait.
— Si je comprends bien, il rentre par effraction dans une cellule, repeint les murs à sa façon, vire les occupants qui le dérangent et met les autres au boulot.
— Exactement. Le matériel génétique du virus constitué par un acide nucléique, soit ADN soit ARN, le Covid est ARN, est porteur d’une information génétique spécifique. Soumission insidieuse, programmée mais non consentie. A partir de là, des particules virales partiront à leur tour à la conquête d’autres organismes.
— Ben dis-donc ton gars, il est plutôt astucieux.
— Non seulement, il se reproduit à l’infini, mais il mute et ce virus là possède une faculté d’adaptation déconcertante quant aux continents qu’il traverse et aux personnes qu’il affecte, sans même parfois laisser en eux l’empreinte de son passage. On a beau jouer les Rambo et rouler des mécaniques, on se sent ridicules et tout petits face à ce Bruce Lee que l’on suit à la trace sans pouvoir anticiper ses gestes. Oui je sais… ça fait chier de penser que nous sommes peut-être des rats de laboratoire au service de l’univers microbien. Mais vois-tu, là où les virus sont super bluffants, c’est mon délire de cette nuit, est qu’ils agissent exactement comme nous le faisons avec nos congénères humains et la Terre qui nous tolère plus qu’elle nous accueille. Somme toute, ils sont nos miroirs.
— L’infiniment petit dans l’infiniment grand, enfin toutes proportions gardées, de tout à l’heure ? Mais pourquoi tu dis que l’on agit comme eux ?
— Tu te souviens quand Macron a déclaré « nous sommes en guerre », le discours que l’on a écouté ensemble ?
— Ah oui ! Le fou rire que l’on a eu quand j’ai dit qu’il jouait le Kéké, tellement il avait l’air content d’en être le général. En plus, c’est pas une guerre. Y’a pas de bombes, y’a pas d’armes, comme en Syrie avec l’Islam et tout ça. Il y a bien des morts, c’est pas les balles qui les tuent, mais un ennemi invisible. C’est pas une guerre, mais une crise sanitaire.
— Tu en parles avec tes amies ?
Elle passa sa main dans ses longs cheveux, songeuse.
— Avec Anna, oui. Avec les autres, c’est plutôt fringues, crush, nos petits copains et nos amours virtuels, et Californie. C’est peut-être parce que je suis née en Inde, que j’y suis retournée plusieurs fois et que j’ai vu la misère de près.
Elle se serra contre moi, cacha son visage sur mon épaule. Silence câlin. Je repris.
— Tu as raison, Chloécita. Le terme de lutte serait plus approprié. Ce qui est surprenant est que nous l’accablons de tous nos maux, alors que nous utilisons exactement depuis des siècles la même stratégie que lui. Nos brins d’ADN ou d’ARN ? La guerre. Je ne te parle pas de celle intérieure, comme en Syrie, dont d’ailleurs plus personne ne parle, où tout le monde finit par se taper dessus parce qu’un seul type a décidé que lui seul avait le droit de l’ouvrir… enfin jusqu’à ce que les grandes puissances s’allient avec ou contre lui, chacune pour des intérêts qui n’ont rien à voir avec le désir des peuples qu’ils prétendent gérer. Les Gilets Jaunes et tous les mouvements sociaux qui ont suivi, dont celle des hôpitaux et du personnel soignant que Macron qualifie, énamouré, de soldats en première ligne après les avoir ignorés et réprimés pendant des mois, sont un autre exemple. Non je te parle des guerres de conquête, dites civilisatrices.
— Comme celles de Napoléon ? J’ai appris ça au CE2.
— Entre autres. Des Croisades aux guerres coloniales… Toutes se livrèrent dans le but inavoué non seulement d’imposer nos idéologies politiques et religieuses, ainsi que notre manière de vivre, au nom desquelles nous massacrons, torturons, violons, pillons et j’en passe, encore aujourd’hui, mais aussi et surtout notre monnaie aux populations dite indigènes. La mission civilisatrice n’a jamais été rien d’autre qu’un prétexte raciste pour faire main basse sur leurs ressources naturelles et culturelles que les puissances dominantes d’argent estimaient inutilisées ou mal utilisées, ou simplement considéraient comme leur droit inaliénable, voire divin. On en est toujours là… Au nom de Dieu, quelle que soit son obédience, file moi ton fric ! Tu sais, et c’est gerbant, la guerre est l’armure des assassins en col blanc qui eux ne se salissent jamais les mains, mais qui tuent, comme le virus, tout ce qui s’oppose à leurs visées hégémoniques. Depuis des siècles, nos tables de loi virales à nous autres humains. Envahir, parasiter, exploiter, soumettre, éradiquer les plus faibles.
— Remarque, vu l’état de la planète, il ne doit plus rester grand chose à piller !
— Détrompe-toi, Chloé. Ce pillage organisé dure encore, sauf que le champ de bataille s’est déplacé sur le terrain de l’économie mondialisée et l’hémicycle des places boursières, courtisées par les mafias du monde entier. Et je te ne parle même pas de celui de la Nature, dévorée par nos ambitions. A tel point qu’on l’a convertie en une gigantesque morgue où en pathétiques médecins légistes, boostés par une culpabilité ponctuelle, nous classifions nos victimes en étiquetant leurs cadavres, de nos maux. Je te précise, Chloé, maux – m-a-u-x. Extinction, pollution, réchauffement, épuisement, disparition, effondrement, destruction, appauvrissement, catastrophes naturelles, et j’en oublie certainement. Ces mots, cette fois-ci « m-o-t-s, » listent nos symptômes.
— Si je te comprends bien, l’humanité est malade ?
— Elle l’a toujours été, je crois. Ajoute à cela que l’on est tous plus ou moins atteints d’Alzheimer. On n’a rien appris des deux dernières guerres mondiales, des génocides, d’Hiroshima, des camps de concentration, des catastrophes de Bhopal et Tchernobyl, des famines. Les couloirs de la mort dessinés par l’homme sont infinis. Et l’on apprendra rien avec ce virus, ni même un autre. L’Histoire et surtout ses coulisses, tu le découvriras peut-être par toi-même plus tard, t’en donnera de multiples exemples. Sauf qu’actuellement, la maladie chronique qui affecte l’humanité est dégénérative, infectée par l’hégémonie cynique de la finance et son acide nucléique, le pognon.
— C’est pas tip-top comme futur !
— Oui je sais…ça fait chier de s’avouer qu’un foutu virus vienne nous enseigner à une époque où l’on nous vend l’intelligence artificielle comme la start-up de notre avenir triomphaliste, qu’il est notre miroir vs puce miniaturisée et que nous menons, comme lui, une sorte de vie par procuration, les uns au détriment des autres, selon les intérêts qui nous motivent. Mais lui au moins hisse franchement ses couleurs. Il fait son boulot de microbe et à nous les palmes de notre égoïsme XXL de prédateur.
— Dis, tu crois que le monde d’après sera différent ? Ce virus a fait un nettoyage formidable de la planète. J’ai jamais vu autant d’oiseaux dans le village, ni l’herbe pousser aussi vite. Partout dans le monde, le ciel redevient bleu.
— Écoute, ma petite fille. Difficile de t’affirmer qu’il en sera ainsi. Difficile aussi de t’affirmer le contraire. La seule chose qui d’ores et déjà au ra changé, c’est le langage de com’. Après avoir été priés de « rebondir dans la résilience » et nous « réinventer », voilà que Macron nous exhorte à « enfourcher le tigre, le domestiquer », le Covid et notre peur.
— Il a escamoté la moitié de la phrase que Papi Taxi m’a apprise lors de nos entraînements de Taichi. « Enfourcher le tigre et gravir la montagne. » Peut-être que cela lui demande trop d’efforts ? J’ai vu la vidéo avec Anna. On a bien ri. On aurait dit un animateur de colo !
— Il se décrédibilise tout seul. Mais mes doutes quant à l’après viennent plutôt de l’implication des uns et des autres. Tu le vois fort bien sur les réseaux sociaux. Elle se résume à la seule indignation virtuelle. La plupart exige de leurs gouvernants une attitude et une fermeté qu’ils n’ont pas eux-mêmes dans leur vie, à commencer dans leur propre famille. Ils oublient trop rapidement qu’ils les ont votés. Tu le sais, je te l’ai dit et répété : le peuple est con. Tant qu’il lui reste un petit pois dans son assiette, il n’agira pas pour le bien-être de tous. Et les gouvernants le sont aussi. Sauf qu’ils ont compris les moteurs qui font fonctionner les peuples. Ils en usent et en abusent. Un jeu de dupes où la peur sert de katana, et l’éloge de la sécurité, de plume. Cette distanciation physique et ce confinement aux visées immunitaires nous a transformé en cloîtrés involontaires, mais depuis belle lurette nous sommes des confinés du cœur et de l’esprit. Au fond, d’un côté comme de l’autre, tous pensent au pognon et au pouvoir d’achat. La loi de l’économie mondiale est aussi celle du caddie. Alors non, je ne pense pas qu’il y aura un après novateur.
Je me tus un instant.
— Vois-tu, il y a une autre raison à cela. Le mot confinement nous en a spolié très subtilement. Certes, soudain, le brouhaha du monde s’est tu. Le monde extérieur a cessé d’exister, ou tout du moins n’a plus eu la même importance. Son agitation désordonnée en a souligné la vacuité. La solitude nous dépouille de nos labyrinthes humains. L’importance que les êtres se prêtent, s’y relativise. Elle se défait de ses déguisements mensongers et de toutes les raisons qui justifient que nous courons dans tous les sens pour en trouver un à notre vie. La solitude est une alchimie puissante, le confinement, une asphyxie subie. Si la solitude est une opportunité de changement., le confinement est un geste barrière qui nous en a privé. Si les gens le comprenaient, le ressentaient dans leur chair et leur âme, le monde changerait, parce qu’eux-mêmes en seraient modifiés. Mais je doute fort que ce soit le cas pour la plupart. Faire la fête, aller au McDo, partir en vacances, reprendre leurs habitudes , en un mot leur normalité autiste… voilà ce qui les met déjà dans les starting-blocks de l’après.
Ses yeux se remplirent de larmes. Elle sourit tristement et baissa la tête. Je lui relevai doucement le menton.
— Ne sois pas triste, Chloé. Tu es en vie et cela en soi est déjà un immense privilège. Quoiqu’il se passe autour de toi, maintenant et demain, n’oublie jamais que tout dépend de toi et de la réponse que tu sauras donner à cette question : que veux-tu faire de ta vie ? Nous ne sommes que des paysans de notre monde intérieur. Nous n’avons pas d’autre rôle que celui-ci. Dès que les premiers fruits de ta récolte te nourriront et te satisferont, ce jour là, le paysan en toi n’aura plus besoin de savoir… Tu seras.
© L’Ombre du Regard Ed., Mélanie Talcott – 08/05/2020.
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