Une ballade dans l’intranquillité de l’éphémère…
Son errance, qui n’est pas doute sinon recherche, renvoie à la sourde cristallisation de l’être, celle qui nous guette toute innocence bue. Il n’est pas le chantre de l’invective, tel le fut Léo Ferré, qui nous déboulonnait à grands coups de gueule vachards, colériques et tendres, de nos confortables fauteuils. Ses mots nous filaient des baffes qui nous faisaient jouir, on en redemandait, on lui claquait des bis et des revenez-y à n’en plus finir, avant de s’en retourner nous ancrer dans l’inertie, cette mort cérébrale qui engrosse aujourd’hui nos confortables indignations. Et lui, le poète, avec sa voix comme une aurore en chemin de nuit dans le limon de nos rêves, émigrait aussi en mélancolie à la frontière douloureuse et désenchantée de ses tunnels, ces ronds intimes de lumière hypothétique qui nous dansent à tous le ballet d’une sortie grandiose, nous gerbant à l’âme de sacrés talents de faussaire. Si Léo Ferré nous emplafonnait dans la violence silencieuse de nos hypocrisies, Daniel Leduc effeuille notre intériorité, cette féminité qui ne veut pas s’avouer, celle dont on récuse jusqu’à la possibilité d’exister, tant elle nous écorcherait jusqu’à la nudité la plus crue, celle où l’on ne peut plus se la jouer fier-à-bras de toutes ses trouilles qui nous déguisent en héros de pacotille, impulsifs et destructeurs. Avec sa gueule d’enfant sage qui traverse un siècle désajusté, jamais à la mesure, toujours en démesure, en fuite vers on ne sait où ni vers on ne sait quoi, ses mots nous tracent des retours en flash vers nous-mêmes, ce cœur qui bat le branle de nos déroutes et qui a rayé de ses possibilités, la fragilité de ses palpitations.
Dommage que l’on ne prenne plus le temps de courir dans les nuages…
© L’Ombre du Regard Ed., Mélanie Talcott – 2011
Lire Le Chant de la Terre de Daniel Leduc