Des nèfles, que des nèfles !

Vocabulaire gastronomique détourné
Quand les mots se mettent à table et ouvrent ou coupent, c’est selon, l’appétit… aux urnes

Ce dimanche matin, j’ai croisé un type, une asperge avec une face d’assiette, un genre sang de navet. Il pataugeait sec dans le yaourt, ne sachant où glisser son bulletin dans l’urne.

— C’est une bouteille à l’encre, me dit-il. Entre les duels, ceux qui sont comme pain et beurre, et les ménages à trois, deux qui ont un cœur d’artichaut et le troisième qui fait la tranche de jambon, je ne sais pas à qui mon vote doit serrer la louche. On ne sait plus si c’est du lard ou du cochon ! Si j’avais su, surtout que le temps grelotte, j’aurais gardé ma viande dans le torchon !

De gauche, de droite, des extrêmes ou du centre, ils nous tirent des carottes alors qu’elles sont déjà cuites et bien recuites. Ils nous font des promesses qui ne valent pas un trognon de chou. Autant dire qu’ils nagent dans le chocolat ! S’ils pensent qu’on les croit, ils se tapent du concombre ! Moi je te le dis, ils ont intérêt à se mettre la rate au court-bouillon s’ils veulent que leur mayonnaise prenne.

A la télé, les matchs électoraux sont au couteau. Chacun essaie d’aplatir son interlocuteur comme une crêpe. Tous nous conseillent de voter ceci plutôt que cela comme si la plupart d’entre nous avait une écrevisse dans le vol-au-vent, alors qu’en fait, ils font tous la course à l’échalote, sauf peut-être notre grosse légume de chef qui voit bien, lui, qu’il y a de l’eau dans le gaz et n’a vraiment plus la patate à tel point qu’il en mange souvent son chapeau.

Il y en a un, un vrai pisse-vinaigre qui considère que ne pas penser comme lui est être une truffe, qui se racle tellement la soupière dès qu’il monte en chaire en alignant sèchement les mots comme des petits pois, qu’il en devient rouge comme une tomate. Les veines gonflées, surtout les carotides et celles du front, la moutarde lui monte au nez. Il doit avoir la patate qui bat drôlement. J’ai toujours un peu peur qu’il lâche brutalement le morceau pour s’en aller sucrer les fraises. Lui, on pourra dire qu’il est vraiment passé de discours à trépas, l’arme bien présentée à gauche ! Il doit sacrément tremper son pain de larmes pour mettre sans cesse les bouchées doubles afin de nous rouler dans sa farine.

Un autre, du bord d’en face, qui tangue à droite et va avec ferveur à sa propre soupe, un soupe-au-lait d’ailleurs qui se prend avec jubilation le melon et les électeurs, pour des poires, n’est pourtant pas le genre de personne à avoir inventé la machine à cintrer les bananes, mais bien celui à vouloir le beurre et l’argent du beurre, l’oseille quoi ! N’empêche que si hier il nous a bien pressé le citron, demain, ce sera sans aucun doute compte là-dessus et bois de l’eau.

Bref, on doit voter pour des mecs dont on ne sait même pas ce qu’ils vont faire après. Eux-mêmes, l’ignorent ! Sûr qu’après on va se traîner des casseroles. Pour l’instant, ils nous font des tempêtes dans un verre d’eau, espérant nous prendre comme des mouches avec du vinaigre en nous servant de la bouillie pour les chats. Je te le dis, tout ceci va se terminer en eau de boudin et à force de se prendre des châtaignes, on va tous nager sec dans le potage et finir la tête dans le pâté.

 

© L’Ombre du Regard Ed., Mélanie Talcott  – 26/03/2015
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