Notre planète ou du moins la vision gestionnaire rationnelle que nous en avons, échappe à une vitesse vertigineuse à notre contrôle. A force d’y bazarder toutes nos poubelles, nous l’avons transformée en une immense décharge à ciel ouvert. Aujourd’hui, nous découvrons stupéfaits le prix et le poids de nos déchets. Et chacun – des politiques aux citoyens, hier encore promoteurs et actionnaires de cette catastrophe pour les premiers et collabos consuméristes pour les seconds – saisi d’indignation vertueuse et souvent limitée au virtuel, de s’ériger en critiques et juges et d’allumer des cierges à cette nouvelle religion de l’apocalypse, l’écologie, tout en préservant jalousement son quant à soi et ses priorités. Pour les uns, un électorat fluctuant et le bien-être du capitalisme ultralibéral. Pour les autres, le pouvoir d’achat et un futur trié sur le volet par les premiers. Le reste, on s’en fout ! Des êtres humains encore plus que des animaux. De toute façon, nos intérêts dépendent des événements mainstream qui à leur tour, formatent nos réactions épidermiques.
Oui… je sais, ça fait chier… L’Amazonie qui crame. Tous ces arbres qui s’immolent actuellement par le feu et dépassent leur empreinte carbone autorisée. Notre beau poumon vert planétaire ressemble comme un frère à celui, cancérisé par le tabac, qui s’affiche sur les paquets de clopes. Soit dit en passant, le coup du poumon est un mythe, un fake news marketing, car enfin question oxygène, il faut d’abord remercier les océans. Et là, on ne peut pas nous le reprocher ! On le fait rubis sur l’ongle…
— Tiens, file moi ton oxygène et tes poissons. En échange, je te file mon plastique et tout ce que je ne sais plus où caser en terre ferme.
A se tordre de rire. Vraiment ! Certes en ce moment même, l’Afrique subsaharienne, l’Indonésie – qui curieusement abritent avec leur consœur amazonienne les trois zones importantes de forêts tropicales au monde -, et la Sibérie jouissent également de beaux feux de bois qui estampillent la planisphère de milliers de points rouges, avec quelques autres foyers disséminés ici et là…. jusqu’en Alaska. Oui, mais tu comprends, ce n’est pareil ! L’Afrique subsaharienne c’est toujours l’Afrique. La Sibérie c’est Poutine la forte tête et avec lui, il faut y aller mollo. Quant à l’Indonésie… elle compte pour du beurre autour de cette belle table ronde, avec mentionné en son centre sa pulsation, G7.
Non… L’Amazonie, c’est topissime. Fun et vendeur. D’autant plus que son locataire est un sale type. Un populiste qui risque d’empêcher cette belle mesure étalon démocratique, le capitalisme ultra-libéral, de tourner bien en ronds autour de cette même table. Un pognon de dingues ! Après tout, on est tous là pour la même chose, non ? Se serrer la pogne autour d’accords commerciaux, allant du sac de cacahuètes à l’armement, en tirant chacun pour soi les marrons du feu. Soyons fair-play ! Bolsonaro n’est pas le seul emmerdeur. Il y en a d’autres. Salvini, par exemple… Mais bon, la verdure chez lui, ce n’est pas dans l’air du temps. Lui, il préfère bouffer du migrant. Enfin… pour l’instant.
L’Amazonie… dernière tendance écolo-politique. Et notre Zorro international, d’endosser sa nouvelle casquette de pompier planétaire. En quatre jours, je te remets le monde droit dans ses bottes. Hallucinant ! Il n’est pas fichu d’éteindre sous son propre toit les multiples incendies qui couvent sous la cendre, mais il n’hésite pas à retrousser ses manchettes et à tomber la veste pour sauver cette forêt deux fois millénaire, de la gabegie humaine. Notre forêt, ce symbole de la rédemption écologique ! Son truc, ce sont les mots qui cascadent, telles les trombes d’eau des Canadair, en promesses magnanimes, empreintes d’une morale de bazar. Parfois, notre Robin des Bois du capital y ajoute un gros pourboire. Quelques millions d’euros, histoire de calmer les ardeurs. Dans ce cas présent, celles des flammes et de l’opinion internationale.
Juré, promis, craché… Laissez-moi faire, tout va aller mieux… en 2025. Une date butoir qui revient comme un leitmotiv. Bah ! Histoire de faire avaler la pilule à un électorat potentiel – échéance 2022 En vert et contre tout – mieux vaut voir la paille dans l’œil du voisin, celui de Bolsonaro, que la poutre dans le sien. Reprocher à son homologue d’être tiède dans ses engagements climatiques et de ne pas s’engager en matière de biodiversité, c’est l’hôpital qui se fout de la charité ! Faut-il lui rappeler l’imbroglio du glyphosate, les massacres annoncés d’espèces protégées comme le courlis cendré, l’autorisation donnée à Total pour transformer des tonnes d’huile de palme en agrocarburants, ses accords avec même groupe pour explorer de nouveaux puits de pétrole sous-marin en Guyane où l’État français a attribué 360 000 hectares de forêt aux multinationales minières dont cet été même, 5000 hectares dans une région aurifère à la compagnie Sands Ressources, etc., etc. ? Faut-il lui rappeler également que ces incendies réitératifs depuis des décennies sont la conséquence, il est vrai controversée, de la déforestation en bénéfice de l’agriculture intensive. Ou encore que nos vaches françaises sont nourries de graines de soja transgénique et de tourteaux brésiliens, sans parler de nos cochons, de nos poulets de batterie et de nos poules pondeuses qui bénéficient du même régime. Nous avons une part de complicité, a reconnu notre soldat du feu. Car, changer de politique commerciale dont l’agricole, c’est une autre paire de cornes ! Échange Mercosur contre CETA. Vite dit, l’ami ! Cela n’engage à rien de le fanfaronner tant que ce n’est pas paraphé sur le papier.
Car son truc, c’est aussi se la jouer Brave Heart à l’international, se faire le négociateur des causes épineuses, tout en ménageant l’impéritie que tout un chacun – politiques, médias et individus – prête à Donald Trump ou à Boris Johnson, et en conséquence à leur électorat. En la personne de son ministre des affaires étrangères, M. Zarif, l’Iran en fut l’acteur surprise et improvisé, cerise sur la pièce montée, mais certainement pas de dernière minute. Cela en jette comme de la poudre de perlimpinpin mais l’argument a suffi à la presse pour qu’elle s’esbaudisse d’admiration devant la conclusion de notre Pygmalion élyséen quant au nucléaire iranien, hilarante dans sa formulation : on a réussi à faire baisser la pression.
Club informel le G7 ? A en analyser sa photo emblématique, on en doute sérieusement. Oscillant entre une vision orwellienne et celle du virus du Sida, excepté le fait que les protagonistes soient tous des Blancs et que la parité soit dans sa représentation habituelle, à savoir ponctuelle et jamais de gala, la position des mains de chacun indique où il se situe dans ce jeu qui est tout, sauf informel… Non mecs… Restons entre nous… Les moutons seront ainsi bien gardés. Au vert.
La couleur verte, autrefois couleur de Satan, des fous et des sorcières, hier honnie par les peintres pour contenir de l’arsenic et par les comédiens pour qui elle porte toujours malheur, est aujourd’hui récupérée, politique et business obligent, par l’écologie Étymologiquement, ce terme signifie connaissance de la maison, la nôtre individuelle et la planète, notre bien commun, ce qui justifierait pleinement que l’écologie n’ait aucune couleur revendicatrice. Après tout, la vie n’a jamais que la couleur qu’on lui donne. Oui… Je sais, ça fait chier.
© L’Ombre du Regard Ed., Mélanie Talcott – 28/08/2019 .
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