Tiré à quatre épingles, Pascal Marmet

Ecriture fluide, sans fioritures. Personnages carrés, bien campés. Un flic charismatique, le Commandant Chanel, qui dirige une équipe d’individus droits dans leurs bottes, mais dont les compétences professionnelles, propres à chacun, cimentent la liberté d’agir. Loin donc du cliché de l’inspecteur alcoolique, désespéré, mal fringué, mal rasé, ayant pour confesseur et pour compagnes les tapineuses de la nuit ou un clone improbable oscillant entre une bombe sexuelle neuronale et déjantée et une James Bond girl flirtant avec les limites de la loi. Non celui-ci, on l’imagine avec des ongles aussi bien limés que sa morale où exiger de la société qu’elle respecte vos droits passe d’abord et avant tout par l’accomplissement des devoirs qui incombe à n’importe quel individu. Pour ce flic fou de musique, solitaire et à la tendresse désabusée, l’un de ceux-ci, sans doute le plus essentiel, est de lutter contre l’ignorance, la sienne et celle des autres, afin de déployer les voiles froissés de nos cerveaux formatés. Il ne s’agit pas de donner des leçons, mais de montrer l’exemple. Ainsi, parle-t-il dans un français maniéré à sa jeune protégée Salomé, adolescente rebelle, pétrie de préjugés enturbannés dans le gothique. La jeune fille se révèlera le fil conducteur dans le dénouement de cette enquête qui a pour cadavre une quinquagénaire, Albane Saint Germain de Rey, spécimen de veuve noire entre vampire machiavélique et ensorceleuse assassine, pour coulisses le 36 quai des Orfèvres, lieu mythique en voie de délocalisation, le quartier rive gauche des Antiquaires, l’art primitif et notamment, la sorcellerie africaine qui donne son titre Tiré à quatre épingles au polar de Pascal Marmet. Autre personnage attachant de ce roman de facture très classique et reposante, compte-tenu de l’hémoglobine versus barbarie qui infuse dans la plupart des thrillers actuels, souvent version pâlichonne des bouquins – entre autres – de Chattam, un jeune homme Alex qui vient d’échouer à son CAP de boulange et que sa mère a flanqué à la porte. Bouffon moderne d’une société dont il refuse les codes et l’hypocrisie, autiste réfugié dans le mythe de l’enfance et sa supposée innocence, sa fantomatique silhouette verte traverse la Gare de Lyon et un Paris en voie de disparition. La vie est son terrain de jeux où il passe en coup de vent, peu soucieux des conséquences de ses actes qui en feront malgré lui le pivot central de cette intrigue policière. Un polar gentillet très frenchie, aux parfums de Léo Malet et Simenon.

Pascal MARMET, Tiré à quatre épingles. Editions Michalon, 2015. 272 pages.

 

© L’Ombre du Regard Ed., Mélanie Talcott  – 04/08/2015
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