Trajectoire rebelle, Laure Lapègue

« Le mal qui est dans le monde vient presque toujours de l’ignorance,
et la bonne volonté peut faire autant de dégâts que la méchanceté si elle n’est pas éclairée

Albert Camus, La Peste (Gallimard, 1947)

La véritable école du Commandement, c’est la culture générale. »
Charles de Gaulle

 

Plus qu’un chemin qui suppose la lenteur, Trajectoire rebelle de Laure Lapègue évoque d’emblée une traversée, un appel si puissant qu’il laisse incertain l’itinéraire, sauf que le mot rebelle augure un nouveau départ. Bien que ce soit un essai, on y retrouve en filigrane la même question que dans ses autres romans: « la vie, qu’est-ce que c’est ? » Et la même réponse, empreinte de doute : une traversée où ce qui prime est la façon dont on la traverse.

L’année 2020 vit se construire le mythe de la pandémie Covid et s’ajouter à la potion tranquillisante sanitaro-étatique, outre de nombreuses contraintes liberticides, deux adjuvants puissants : la peur et le mensonge d’Etat, largement colporté par les institutions sanitaires et la presse mainstream. Le binôme peur de mourir et mourir de peur conduisirent la plupart à se cloîtrer physiquement et psychologiquement. La peur ! Ce vaccin foutraque et complexe dont les composants Panem et circenses sont aussi vieux que l’humain. Un vaccin aux nombreux rappels que l’on nous inocule, il faut bien le dire, pour la satisfaction passive de la plupart, et qui depuis la nuit des temps, fonctionne efficacement. De fait, il empêche les individus de penser par eux-mêmes, annihilant leur courage à se révolter et à se battre contre ce qui les opprime et les réprime dans nos funèbres démocraties consuméristes contemporaines.
« Tout comme César, nos présidents, pourtant si cultivés, nous donnent avant tout du pain et des jeux, de la vulgarisation et du simplisme. Restons idiots. Idiots au point que nous ne saurons même plus imaginer une autre vie que celle montrée sur nos écrans de téléphone et au travers des lunettes 3D ouvrant la porte au metaverse ! Et remercions-les, eux, les grands hommes d’Etat, les intelligents congénitaux sortis de l’ENA, de réfléchir à notre place et avec notre argent… Pour notre bien à tous. Bien entendu !!! « , écrit l’auteur à ce sujet.

Subir, se soumettre et collaborer fut pour la majorité la voie la plus facile, du confinement au pass sanitaire à une injection magique et miraculeuse qui la ramenait, fière de sa conscience citoyenne, aux terrasses de café. Pour Laure Lapègue, ce fut une catharsis salutaire. « Il y a vingt trois mois, ma vie a pris un nouveau tournant, suivant une trajectoire qui s’impose désormais à moi avec la force du destin . Dans ce parcours, pas de tricherie possible, pas d’euphémisme, pas de oui mais. »

Après avoir été sidérée, indignée, exaspérée par cette tragi-comédie politico-covidienne, après avoir été confinée sur ordre par une technocratie imbécile, contrôlée par attestations interposées, menacée par des amendes aléatoires, etc., Bref après avoir bu jusqu’à la lie cette perversité pseudo-sanitaire, un questionnement rédempteur s’est imposé à l’auteure.
« Naît-on rebelle ou le devient-on ? Je crois plutôt que l’on se découvre rebelle, comme un papillon déploie ses ailes, sortant de sa chrysalide. », nous dit-elle. Interrogation clef qui résume cet essai, carnet de bord d’une saine colère, où l’auteur partage, sans verser dans la bien-pensance du pour et du contre ou de la moraline à trois francs six sous inhérente à cette période sous emprise virale, son expérience de femme, de mère, de conseillère d’orientation auprès des jeunes, de militante et d’écrivain.

Si, « écrire pour réaliser l’ampleur de cette supercherie, écrire pour dénoncer la manipulation par la peur, écrire pour garder une trace de cette période surréaliste et afin que mes enfants comprennent les choix de leur mère » relevait de l’évidence, il fallait aussi pour cette incorrigible optimiste, « écrire pour partager avec ceux qui le veulent, des réflexions sur le monde et ses évolutions. Loin de la propagande, de la doxa et de l’émotivité des réseaux sociaux.« 

Trajectoire Rebelle nous renvoie à la marge de cette expérience collective, vécue d’abord et avant tout individuellement, lors du confinement, du couvre-feu et autres mesures restrictives, sans oublier ni la liste quotidienne des morts, ni les exhortations, entre menaces et répressions, à se faire vacciner, le tout sur fond de narratif anxiogène et mensonger. « Courage. Rébellion. Instinct. Voilà les trois mots qui me viennent à l’esprit quand je songe à cette époque. La rébellion permet d’envisager un monde en dehors des codes actuels. L’instinct permet de nourrir des décisions naturellement bonnes pour soi et constructrices de liberté. Le courage, quant à lui est la qualité sans laquelle, ni l’écoute de l’instinct, ni l’expression de la rébellion ne sont possibles, » nous confie l’auteure.

Il lui fallait non seulement dire, mais aussi trouver des réponses à toutes ses questions que cette situation inédite du Covid 19 avait soulevé. Désormais il y avait le monde d’avant qui était cul par-dessus tête et celui d’après, où il fallait redonner du sens à la vie. A nos vies. Ces questions, Laure Lapègue et une minorité d’entre nous se les sont posées.

– Comment, quand pris en otage par la mondialisation numérique où s’affiche la volonté programmée de détruire l’humain et de tout ce qui lui donne sens, l’individu peut-il trouver sa voie ? Comment, quand l’entendement devient un vice et la médiocrité, une vertu ? Comment, quand ses dirigeants jouent au poker menteur avec un cynisme totalitaire, stigmatisant toute remise en question et critique de leurs décisions comme relevant de la psychiatrie, d’inculture complotiste ou d’imbécillité de classe ? Comment, quand ceux-là de plus en plus rares qui s’y essaient sont classifiés comme citoyens non essentiels ? Comment, quand les valeurs du vieux monde, au premier chef celles de la loyauté, de la tolérance et de la bienveillance sont clouées aux piloris de deux intégrismes mortifères, le wokisme vs fascisme vert et l’islamisme vs charia ? Comment, quand les adultes sont incapables de transmettre à leurs enfants, autre chose que leur vision effarée de l’avenir ? Comment, quand la peur consume de sa toxicité les cœurs et les esprits ?

Avec en finalité, cette interrogation : faire ? Oui. Mais pour qui et pour quoi ? À laquelle il est impératif de répondre, afin de ne pas sombrer de déprime dans cette société où : « Egoïsme, surconsommation et confort de vie semblent avoir tout emporté sur leur passage. On ne défend plus rien, même pas ses enfants. On ne sait plus s’ériger contre et agir pour … On s’insurge, c’est tout. Et encore, si cela ne demande pas trop d’efforts, ni de compromis. »

De fait, nous vivons à une époque où l’on peut dire et faire n’importe quoi sans que cela ait des conséquences. Du chef de l’Etat qui par statut juridique, n’est pas responsable en sa qualité de président, des actes accomplis durant son mandat, un privilège réservé aussi aux somnambules et aux déséquilibrés psychiatriques, au plus obscur des citoyens, bien peu ont conscience de cette loi universelle : tout acte a des conséquences. Encore plus rares sont ceux disposés à les assumer. « Notre attitude face aux règles est très révélatrice de notre niveau de soumission face au pouvoir hiérarchique. De notre capacité à réfléchir par nous-mêmes, en dehors de la pression sociale. De notre aptitude à songer aux conséquences de chacun de nos actes, quelles que soient les circonstances, même lorsque ces actes sont dictés pas de lois… Il me paraît extrêmement important d’obliger les exécutants de ces lois abjectes à se confronter aux conséquences de leur obéissance aveugle. De ne pas les conforter dans le déni de leur nature humaine. »

Arrivée au terme de cette remise en question totale, plus qu’un choix dicté par le rationalisme, un autre s’est imposé à l’auteur : celui du cœur. Droite dans ses bottes comme le dit joliment l’expression populaire. Et conjointement, une détermination farouche.

« Comme chaque individu sur cette planète, JE SUIS ! A ce titre, je possède tous les pouvoirs et tous les choix concernant ma personne… Suivre son instinct rebelle, c’est prendre une décision forte et consciente : celle de rester toujours fidèle à soi-même. De se respecter avant tout.« 

Selon qui est qui, chacun se retrouvera ou non dans le ressenti de cette narration. Pour ma part, je m’y suis retrouvée dans la colère et le refus, exprimés par l’auteur.  Cependant, avec quelques nuances.

Hormis l’instinct que chaque individu possède d’une façon plus ou moins forte, le courage, cette « qualité qui s’entraîne » a besoin d’assises pour que la rébellion ne verse pas dans tout et n’importe quoi, en premier lieu de se rallier à une quelconque idéologie, ce fouillis d’ismes prédateurs, si prégnants actuellement. Pour que la trilogie « Courage. Rébellion. Instinct« , telle que la définit l’auteure, répond au préalable, à mon sens, une autre trilogie : « Culture, Lucidité, Liberté « .

Cicéron fut le premier à appliquer le mot latin « cultura » à l’être humain : Un champ si fertile soit-il ne peut être productif sans culture, et c’est la même chose pour l’humain sans enseignement.1

A l’instar d’une maison qui a besoin de fondations solides pour être pérenne, la culture est aussi indispensable à l’homme que l’air qu’il respire, s’il ne veut pas que sa vie soit, physiquement, intellectuellement et émotionnellement, dirigée par d’autres que lui-même. Sans oublier qu’il ne peut y avoir de culture sans connaissance qui, elle, s’attache aux faits et à l’expérience acquise. Sans ce tandem, pas de lucidité, pas de faculté de juger les choses clairement, sans se bercer d’illusions.

Ainsi, culture et lucidité sont les deux ferments impératifs de la liberté. Un vrai sacerdoce ! S’écarter des sentiers battus par la manade humaine, encadrée par des gourous de toute obédience, a un prix très fort. Celui de la solitude et de l’un de ses corollaires, l’excommunication sociale.

Dans ce sens, on est toujours le rebelle de quelqu’un, et ce, d’autant plus que ce qualificatif réducteur permet à tout un chacun de justifier sa lâcheté, même minimaliste. A rebelle, je préfère donc le refus, plus drastique.
Savoir dire non à tout ce qui rompt avec notre intégrité d’être humain, même au sacrifice de sa vie.

Pour conclure, si je suis d’accord avec Laure Lapègue sur bien des points, je le suis moins quant à sa foi inaltérable dans l’humain et sur le potentiel de la jeunesse pour innover le monde de demain. Les multiples soumissions confortables auxquelles la majorité d’entre nous, adultes, jeunes et vieux, cède sans en piper une, sans comprendre ou vouloir admettre que le courage exige aussi une radicalité certaine. Et actuellement, les actes sont rarement à la hauteur de la somme de nos indignations.

Nos choix, nos décisions bâtissent notre existence.
Et comme nous le conseille Hamlet : « Avant tout, sois loyal envers toi-même. Et aussi infailliblement que la nuit suit le jour, tu ne pourras être déloyal envers personne. »


Notes
1. – Tusculanes, II, 13.

 

© L’Ombre du Regard Ed., Mélanie Talcott – 28/01/2023 .
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