« Le monde se divise en deux catégories : ceux qui ont un pistolet chargé et ceux qui creusent. » Phrase culte soufflée au Truand par le Bon1, devant le trou à pelleter.
Macron vient d’appuyer le sien sur la tempe de toutes celles et ceux qui creusent. Et quoiqu’il en glose, fiérot dans son petit costume bleu-roi tiré à quatre épingles, une pelle n’est pas seulement destinée à creuser une tombe. Même s’il vient de nous en rouler une salement vicelarde. Il pourrait s’en prendre une, plus franche. Car sa récente péroraison, hargneusement martiale, est truffée de tant d’incohérences pour sa mise en application, qu’il faudrait poster derrière chaque QR Code, un agent macronien revisité Stasi pour que cela fonctionne comme il le rêve.
Oui je sais, ça fait chier.
Au prétexte de protéger les personnes fragiles – je hais cette expression qui renvoie nos Anciens, les mêmes qu’il a voulu soulager du poids de leurs maux à coup de Rivotril, à des figurines de porcelaine -, voilà qu’il lance une offensive de blitz2 mental, le pass sanitaire. Sûr de son fait, je l’imagine fort bien dressé comme un coq sur ses ergots, examiner d’un air de psychopathe réjoui les réactions non invasives de la populace qui se fracture pourtant autour d’une seringue. Après la carte de la peur, celle du ressentiment sous bannière des variants. Au ressentiment vertical contre sa figure d’enfant de choeur arrogant et la bande d’épouvantails qui le soutient, nous traite comme des détritus recyclables et nous met le cerveau dans l’anus, se substitue le ressentiment horizontal du peuple contre lui-même. Vaccinés contre non-vaccinés, familles contre familles, altruistes contre égoïstes, responsables contre irresponsables, citoyens contre rénégats, bons contre truands. Diviser pour mieux régner sans se salir les paluches, objectivise sans doute notre grand manitou, foutrement conscient que dans sa grande majorité, le peuple est collectivement versatile, sans générosité, sans loyauté aucune, car à géométrie variable suivant les intérêts de chacun.
Et ça marche puisqu’à la simple menace d’être privés de terrasses, de plages et de libre circulation, des millions de personnes se sont inscrites pour recevoir leur shoot vaccinal qui signe leur supposée liberté, celle-ci valant bien une paire de menottes soi-disant sanitaires, mais fort incertaines. La plupart des politiques, quant à eux, en vaillants rameurs des gencives, misant sur les prochaines élections présidentielles pour renverser la vapeur, nous conjurent de confiner notre colère, d’attendre de glisser notre bulletin dans l’urne… en leur faveur. Ne sont-ils pas, comme ils le claironnent, la voix du peuple ?
Oui je sais, ça fait chier.
Jusqu’à quand va-t-on supporter les foucades autoritaires, les réformes sociales à la hussarde et le despotisme allumé de Macron ? Pourtant, son royaume tremble sur ses fondations régaliennes, preuve en sont les manifestations qui se multiplient en plein été et non en septembre dans toutes les villes de France et noircissent de monde les rues, bien que les médias à la botte les réduisent à une poigné d’hystériques anti-vaccins. Mais rien ne change non plus.
Voilà cinq ans que Manu hante et dirige nos vies. Surgi de nulle part, propulsé par un réseau d’influences occultes et occultées. Surnommé gentiment par la presse étrangère lors de la campagne présidentielle de 2017, le Maharaja Mac (Inde), Le golden boy qui lit Goethe ou Le Barack Obama français (Allemagne), Le nouvel empereur de l’Europe (Angleterre), L’homme parfait (Espagne), Choupinet 1er ou Jupiter par ses pairs, Monsieur superlatif, M. Parfait, Le poupon, Le jeune loup par les médias mainstream, ou encore par lui même Le maître des horloges et chef de guerre, après cinq ans d’exercice du pouvoir, les trompettes de sa renommée se sont faites moins flatteuses. Macrouste, Le Poudré, Le Gandin, le Troll de l’Elysée, Président-Pinocchio, Nécron, Le chef qui sait cheffer, Petit caporal Pol Pot de carnaval, Micron, Macaron, Marron, Le Roitelet, sont quelques-uns des diminutifs que lui ont donné les gueux. Et Le dieu des pétards mouillés par moi-même. Qu’on décroche son portrait des mairies, et il redevient simplement Manu. Un être humain qui a en commun avec tous les autres, ses fonctions physiologiques.
Omniprésent plutôt qu’omnipotent, convaincu d’avoir un rôle messianique, dépourvu de la moindre générosité. Pas un jour où il ne se tape pas l’affiche. Com’ promotionnelle et mégalo pour lui, recyclage neuronal pour nous.
Depuis sa résidence insulaire, versus « voyez les mecs, je tiens ma promesse électorale », notre président, nous envoie, bon enfant, ses rotomontades bravaches: « Je ne crois pas qu’il y ait grande efficacité à manifester contre le virus. » Lui casserait-on son hochet ? Le priverait-on du plaisir de traiter à la schlague celles et ceux qui refusent de courber l’échine et de se plier à sa parodie institutionnelle ? La politique de l’autruche ou celle du mépris ? Quel piètre chef de guerre celui qui se trompe de cible ! Le virus ? Allons-donc !
Car Macron, narrateur en chef d’un storytelling qui alliait Stendhal et le néolibéralisme économique a perdu le fil de sa profession de foi volontariste et messianique, en trahissant d’abord toutes les promesses qu’il avait faites à ses électeurs, en surfant sur le mépris de classe envers les gilets jaunes et « les gens qui ne sont rien », en démantelant sournoisement la société française tout azimut, tout en pratiquant l’art d’agir en ne faisant rien. Puis en terrorisant la plupart d’entre nous au nom d’une guerre menée comme un bleu contre un virus qu’il a anthropomorphisé. Forfanteries permanentes, saillies insultantes, mensonges fakes news, détournement cognitif affirmant tout et son contraire. Hier entre il n’y a pas le feu malgré la pénurie, attendons… Aujourd’hui, entre le c’est comme ça et pas autrement, tend ton bras, prend ton pass et ferme ta gueule. En devenant un négociant des réalités, en nous vendant une vision apocalyptique du futur, il a perdu toute crédibilité. Bien qu’il ne gouverne pas seul, assisté par la bande nauséeuse du Père Fouettard Castex, de Véran le Véreux, de Darmalin et de l’ange Gabriel, il est seul. Absolument seul.
Un homme enfermé à tel point dans ses certitudes et son ego est-il encore un homme sain ? Plutôt que de nous sauver du virus, ne vaudrait-il pas mieux que Macron sauve le soldat Macron ?
Car le graal de n’importe quelle idéologie, c’est le mythe qui rend impossible quelconque remise en question. Cela touche le domaine de la métaphysique et non plus la simple dialectique matérialiste. Il n’y a plus ni à discuter, ni à polémiquer. Juste à obéir.
Emmanuel Macron a une nature messianique. Il en est dangereux. Il se sent flotter, il écoute et il n’entend pas. Il élude ou invective. Il manipule le chaud et le froid. Il plane. Aveugle, plutôt qu’inconscient, à notre lassitude, notre écoeurement et notre colère, ce dont il se contrefout éperdument. Il se sait un privilégié. Il est l’élite. Il se sent au-dessus des hommes et des lois. Il se prend pour le Maître du temps.
Il a simplement oublié qu’une idée ne reste pas, elle disparait vite remplacée par d’autres, d’autant plus rapidement que son concepteur meurt et l’emporte ainsi avec lui. Il a oublié qu’il suffit d’un grain de sable pour enrayer cette machine dont il est persuadé tenir le gouvernail. Un grain de sable, une chose stupide, anodine, provoquée par qui en aura intérêt – pas le peuple qui en est malheureusement incapable – suffira pour qu’on vienne « le chercher ».
Je ne dresse pas un portrait caricatural de Macron. Libre à lui de croire en ce qui le nourrit. Libre à lui d’oublier qu’il est juste un pion parmi d’autres. Mandaté par… Comme ceux qui l’ont précédé et ceux ou celles qui lui succéderont. Libre à lui de négliger le fait que de participer à ce jeu de massacre, de dépendre de ses règles, c’est déjà signer, de son plein gré, la fin de sa propre partie. Libre à lui d’oublier qu’il suffit d’une pichenaude…. Et pouf ! Echec et mat !
Que sait-il de la pesanteur celui qui n’est jamais tombé ?
© L’Ombre du Regard Ed., Mélanie Talcott – 28/07/2021.
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Notes
1. – Le Bon, la Bête et le Truand, film de Sergio Leone.
2. – Le Blitz (terme allemand signifiant « éclair ») est la campagne de bombardements stratégiques durant la Seconde Guerre mondiale menée par l’aviation allemande contre le Royaume-Uni.