Savez-vous qu’une révolution n’est pas qu’une fête entre voisins ?

« Le monde se divise en deux catégories : ceux qui ont un pistolet chargé et ceux qui creusent.»* 


Une fois de plus, comme d’hab, Macron vient d’appuyer son pistolet sur notre tempe en envoyant ses blindés pour endiguer un convoi hétéroclite de voitures et de camping-cars. Si vous me demandez ce que je pense de notre Convoi de la Liberté, au risque de me faire crucifier, je l’ai trouvé pathétique. Je vous explique. Il a fallu l’exemple canadien, et avec du retard, pour que l’on se bouge le cul de nos sofas où s’enlise depuis deux ans notre colère. Que l’on soit vacciné ou non ne devrait pas gérer cette colère, mais si, la façon dont on est foulé aux pieds, paupérisés, infantilisés, méprisés, asservis et soumis à un bric-à-brac de mesures qui nous est imposé. 

Bien que ces revendications fassent marrer non seulement Macron et sa team de délinquants en cols blancs, mais aussi tous ces blanc-bonnets et bonnets blancs intellos qui prennent les plateaux TV pour des chaires pédagogiques à faire et défaire l’opinion, elles sont pleinement justifiées. Mais mettez-vous à la place du monarque et de ses courtisans qui tournent autour des sphères du pouvoir comme des mouches sur un gâteau, espérant en choper quelques miettes. Et des monarques, il y en a partout. Ils sont tous aux manettes, même s’ils sont pilotés en coulisse par des marionnettistes à qui, moyennant finance et carnet d’adresses, ils obéissent d’autant plus qu’ils sont au fait de la technique du siège éjectable. Quand ils nous voient « former nos bataillons », ça leur « en touche une sans faire bouger l’autre« , comme le disait Chirac. On est si hétéroclites, si bon enfants, si hauts en couleur ! Si immatures ! Difficile alors de nous prendre au sérieux.

Pour eux, nous ne sommes qu’un conglomérat de bouseux ignorants qui ne pensent qu’avec leur ventre. Une petite bière, un pique-nique solidaire, un coup de djembé et ça roule ma poule. C’est ce que Macron a dû se dire, dans un haussement d’épaule rigolard, quand il a vu le Convoi de la Liberté se mettre en branle, drapeaux en goguette… Juste pour le fun d’être ensemble et d’une solidarité éphémère. Il a dû se le dire d’autant plus qu’avec les Gilets Jaunes, sa technique du pourrissement a porté ses fruits. Même si l’idée était formidable, elle a tourné en eau de boudin. Faute d’organisation et par tiédeur. Une révolution, ce n’est pas une fête entre voisins.

Oui je sais… ça fait chier ! 

D’ailleurs, vous l’avez constaté comme moi, les péroreurs de plateau y sont allés franco dans leur rhétorique en boucle : mais qu’est-ce qu’ils veulent tous ces gens qui nous emmerdent et viennent nous menacer avec leur bagnoles en file indienne ?  Qui nous font chier depuis des mois avec leurs manifestations anti-vaxx, anti-passe, anti-Macron, anti-tout ? Au secours, ils vont nous bloquer ! De quoi sont-ils le nom ? Ils se réclament des gilets jaunes ? On ne comprend rien à leurs revendications, aucun n’a les mêmes et en plus, ils n’ont pas de porte-parole pour les représenter.

Heureusement, qu’on leur a filé pour dégoupiller leur angoisse existentielle, la formule magique du « pouvoir d’achat » qui, lui, ignore l’argent magique. Mais le fric, c’est fédérateur, ça parle à tout le monde. Que l’on en ai ou pas. Ceux qui en ont poussé un soupir d’aise pour être du bon côté du manche. Les seconds, nous, la grande majorité corvéable qui leur permettons de vivre aux frais de la princesse et qui en ont marre que « le plus dur, c’est la fin du mois, surtout les trente derniers jours » comme le disait Coluche, ont pensé, j’en suis certaine, que la roulette de la fortune allait enfin avoir l’opportunité de jouer à double, plutôt qu’à quitte.

Nous voilà donc, chenille colorée aux portes de Paris où Lallemant nous attend sur le pied de guerre. Macron a mis à sa disposition des blindés et quelques 7.000 robocops, qu’il se garde bien d’envoyer dans les zones de non droit, sans doute parce qu’il sait que la réponse ne serait pas aussi soft. Bloqués pour ne pas bloquer. Et pendant qu’en direct, sa police lardait de coups de matraque et de gaz lacrymo cette « minorité vociférante » qui « pue des pieds » selon la formule de Jean-Michel Apathie, nos Cicéron de comptoir lustraient leur réquisitoire de classe.

Ainsi sur Cnews, dans Midi News, le 11 février :
— « Entendre parler de liberté les antivax, c’est assez choquant. La grande majorité de la population est assez énervée contre ceux qui refusent la vaccination« , a moralisé le journaliste Gérard Leclerc, planté rigide dans ses opinions. « C’est le weekend de tous les risques et de tous les dangers« , a opiné Georges Fenech, plus compassif que son confrère. A son tour, Laurence Saillet toujours aussi Dame Morale des bonnes œuvres d’une droite bien pensante, arrogante et dogmatique, a poussé sa chansonnette : « Je ne comprends pas ce mouvement ?…[…]…Pourquoi aller entraver la liberté des uns et des autres de travailler ? Il faut manifester dans les règles, on ne peut accepter que la vie soit bloquée...[…]… Qu’ils se fassent entendre dans les urnes ! » Mais la palme de la sottise crasse revient à Sophie Aram et à son « convoi des teubés » (individu qui ne vaut rien, mais aussi petite bite) – teubés dont le travail paie son salaire d’humoriste primaire sur France Inter – à la remorque duquel, a-t-elle continué, on trouve un « curieux attelage (certains politiques) qui vient sucer le pot des antivax-à-moteur« , convoi dans lequel « elle voit des cons mais pas beaucoup de liberté. » Et celle carrément du mépris de classe, de ces deux journalistes qui sur France Info TV se sont foutues ouvertement de la gueule d’une femme qui racontait « son » convoi de la liberté.
En plus, comme l’a également souligné Laurence Saillet et quelques autres, « ils ne sont même pas foutus de manifester dans les règles ! » Un droit revu et corrigé en avril 2021, tellement encadré d’interdictions que les manifestations se sont converties quasi en promenade de santé, comparées à celles de nos ancêtres.
Tous sur une seule file, aucune tête ne doit dépasser. Revendiquer, contester, protester, s’indigner, mettre en doute les décisions liberticides de l’Etat, sanitaires ou non, questionner, demander des comptes… Niet… Et prière de se vacciner comme indiqué sur la notice des Big Pharmas !
Sauf, sauf mes amis… se faire mettre sans broncher quand cela sied à notre seigneur et maître.

Oui je sais… ça fait chier !
On ne fait pas une révolution au son des djembés.

Entre ses Judas et ses Ponce Pilate, la doxa politique y est également allée de ses refrains :
« Nous constatons bien qu’une partie importante et significative de nos compatriotes ne croit plus rien de ce qu’on lui dit, les politiques, les journalistes, les scientifiques et les médecins« , a pontifié la girouette Bayrou1. Clément Beaune, lui, a fustigé ce « convoi de la honte et de l’égoïsme... […]… Ce ne sont pas des patriotes, ce sont des irresponsables.« , oubliant que l’on nommait ainsi les trains affrétés par la SNCF pour le transport des prisonniers juifs. Castex de renchérir avec sa finesse habituelle : « La liberté, c’est pas celle de contaminer les autres. »2 Damien Abad, président du groupe Les Républicains à l’Assemblée, lui, a donné dans l’oxymore : « Ce convoi de libertés, c’est parfois un convoi de l’oppression. » Sans oublier, Jérôme Dubus, député En marche, insupportable de fatuité, qui a déclaré n’avoir pas d’avis sur ce Convoi de la Liberté tout en laissant entendre que nous sommes des demeurés mentaux. « Il y a des gens qui en sont encore au pass sanitaire et au pass vaccinal alors que dans un mois, un mois et demi, il n’y en aura plus. »  De quoi nous plaignons nous ? La liberté est au bout du tunnel. Sauf que nous sommes à l’intérieur et que ce sont eux qui tiennent la torche ! La gauche, elle, comme d’habitude a ménagé la chèvre et le chou et s’est planquée derrière une hypocrisie prudente. Ciotti, lui, l’a qualifié de « complotisme absolu ». Les écolos ont sauté du cortège. Marine Le Pen a joué les diseuses de bonne aventure « Manifester sa colère, oui, bien sûr, alerter le pouvoir, oui, bien sûr, mais le moment venu, et c’est une fois tous les cinq ans... […] c’est la présidentielle, c’est à ce moment-là que se décident véritablement les grandes orientations de notre pays. »

Oui vote, vote, votons et après pendant cinq ans, ferme-la et obéis quoiqu’il advienne…

Heureusement, notre illusionniste national qui a bien d’autres chats à fouetter entre l’Ukraine et son « envie de…« , a joué, rôle qu’il adore, les pacificateurs paternalistes. Pince sans rire au vu des dégâts qu’il laisse derrière lui, il a exhorté la populace au calme, soulignant que la France avait, je rêve ! « besoin de beaucoup de bienveillance collective » et en même temps – sans doute pour garder le cap du « je vous emmerde » – nous a dépêché ses troupes d’accueil.

Oui je sais… ça fait chier !
Mais que voulez-vous, il ne suffit pas de brandir un drapeau, fut-il national, pour faire une révolution. 

Les politiques d’hier et d’aujourd’hui, hommes et femmes, se pensent comme des guerriers et des visionnaires. Ils ont, disent-ils, le destin de la France, entre les mains. Leur problème est qu’ils donnent l’impression de jouer à la marelle sur un territoire sans peuple, sans individus qui le compose, sans êtres humains qui le font vivre et prospérer. Or, notre destin c’est nous qui le décidons à l’individuel comme au collectif. Sans nous, le politique n’est rien. Actuellement, ils sont nombreux – trop – dans les starting block pour gagner la course à l’Elysée. Et ça vole bas ! Et la question à un million qui se pose pour nous : pour qui voter ? Tous sont tellement des artistes patentés de l’embrouille et de l’arnaque qui roulent seulement pour eux et leur clan, tout tapis rouge déployé et frais payés par le contribuable, au nom d’une démocratie classée défaillante, selon une étude de The Economist ! Chacun d’eux nous promet monts et merveilles et vantent leur programme en professionnels de la chose politique, cabots d’un monde qui tourne sur lui-même depuis des décennies et qui rarement, assurent le service après vente. A l’exception peut-être de Zemmour novice en l’exercice, dont la sincérité est touchante d’ingénuité, mais dont le financement de campagne pose néanmoins question, et c’est le moins que l’on puisse en dire. Faire des promesses électoralistes ne coûte rien. Les tenir sur le long terme dans ce milieu de piranhas relève d’une loyauté dont très peu, hélas, sont capables. Et pourtant, à chaque fois, nous nous laissons encager comme des bleus.

Oui je sais… ça fait chier !
Ce n’est pas en chantant on the road again que l’on fait une révolution.

… Et toi – vous, moi – tu restes là, bouche ouverte, assis dans ton fauteuil payé à crédit sur trois mois, avec ton café qui refroidit entre tes mains. Tu as la colère qui te remonte au cœur et le dégoût qui te descend dans les tripes. Tu te demandes à quoi ça sert la démocratie, voter et tout le tintouin pour tous ces politiques qui te vendent leur came pour mieux te plumer et t’enfumer de leurs promesses éventées. De gauche, de droite, tu t’en fous. Il n’y a en pas un pour rattraper l’autre. Le nez dans leur purin, ils s’en lavent les mains d’un laconique : « si ce n’est pas nous qui le faisons, d’autres le feront à notre place. » Les valeurs de la République dont ils mouillent abondamment leur discours comme s’il s’agissait de psalmodies comminatoires, sont autant d’alibis pour blanchir leurs lâches ignominies et greffer des arguments sur un électorat enlisé dans une désillusion corrosive. Rien à cirer ! De toute façon, pensent-ils non sans raison, en face, le peuple gronde, manifeste, arpente mille fois les rues. Ou comme en ce 11 février; forme un cortège de la liberté  qui ne changera rien. Aucun impact. Maintien de l’ordre. Et Macron s’en fout. Les gilets jaunes ? Que dalle ! Le grand Débat ? Que dalle ! La Convention citoyenne pour le climat ? Que dalle ! Le cortège de la Liberté ? Que dalle ! Alors changer l’un pour coiffer l’autre ? A quoi bon…. 

Saint Just, le mal nommé, à tel point qu’on l’appelait l’Ange de la Terreur, a pourtant laissé à la postérité, cette réflexion remarquable. « Ceux qui font des révolutions à moitié n’ont fait que se creuser un tombeau. »

Oui je sais… ça fait chier !
De se dire que c’est exactement ce que nous faisons.

© L’Ombre du Regard Ed., Mélanie Talcott – 14/02/2022 .
Aucune reproduction, même partielle, autres que celles prévues à l’article L 122-5
du code de la propriété intellectuelle,
ne peut être faite de l’ensemble de ce site sans l’autorisation expresse de l’auteur.


Notes
1 – https://www.20minutes.fr/politique/2019399-20170223-bayrou-plus-girouette-ventilateur
« Je suis absolument sceptique sur cette affaire [Emmanuel Macron], et quand je dis sceptique, c’est le mot le plus modéré que je puisse choisir. Ça ne marchera pas, parce que les Français vont voir ce que cette démarche signifie, ce qu’il y a derrière tout ça, derrière cet hologramme. Il y a une tentative qui a déjà été faite plusieurs fois de très grands intérêts financiers et autres, qui ne se contentent plus d’avoir le pouvoir économique, ils veulent avoir le pouvoir politique.» (septembre 2017, BFMTV)
2 – https://bfmtv.com/sante/en-direct-decrue-d-omicron-protocole-sanitaire-a-l-ecole-allege-suivez-l-actualite-de-l-epidemie-de-covid-19_LN-202202110027.html#article_82197
3 – Une « realpolitik » privilégie l’efficacité, le concret et le réalisme par rapport aux considérations de principe, d’éthique ou de morale. Elle évalue donc les rapports de force en présence et recherche avant tout l’intérêt national.

Images et dessins
* Phrase culte soufflée au Truand par le Bon (film) devant la tombe à creuser.
Fontainebleau, ce samedi. Les participants au convoi de la liberté se sont laissé aller à des pas de danse une bonne partie de la journée, dans une ambiance festive et conviviale. LP/Sébastien Blondé
Dessind El Roto

A lire si le coeur vous en dit l’article précédent Convoy for freedom 2022.

Loading

Lisez et partagez avec bienveillance

Leave a Comment

error: Content is protected !!